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mardi 23 mai 2023

Les poissons invasifs en Méditerranée

Dans cet article je me bornerai à étudier les espèces invasives observées dans les eaux françaises de la mer Méditerranée, donc exit les diverses espèces de poissons exotiques issues de la migration lessepcienne (Note1) qui ont envahi la Méditerranée orientale (Note2).

Avant, la Méditerranée était une mer ouverte sur l'océan Atlantique, et c'est tout naturellement que les poissons passaient de l'océan à la mer, et inversement, par le détroit de Gibraltar.

Avec la création du canal de Suez en 1869, plusieurs espèces de poissons vivant dans l'océan Indien et en mer Rouge empruntèrent ce passage pour venir coloniser la Méditerranée orientale. D'autres espèces, comme le barracuda et la girelle paon, ont remonté les côtes nord-africaines, franchi le détroit de Gibraltar, longé les côtes espagnoles pour devenir de plus en plus abondants sur nos côtes.
 
La dorade coryphène (Coryphaena hippurus), par exemple, est aujourd’hui observée sur les côtes françaises. Il est difficile de savoir comment évolue cette espèce tropicale, si ce n’est sur les réseaux sociaux où des pêcheurs à la traîne affichent leurs trophées.

Le coryphène peut mesurer plus de 2 m de long et peser jusqu'à 45 kg. C'est un poisson très rapide qui peut atteindre des vitesses dépassant les 50 nœuds, soit plus de 90 km/h. La coloration de son corps est généralement très vive et composée de différentes couleurs, le plus souvent du bleu-vert métallisé avec des bandes dorées sur le dessous. Cette espèce présentant un dimorphisme sexuel, le mâle a une bosse sur le front, donnant une forme carrée à sa tête, alors que la femelle a une tête ronde et un corps plus fin.

Coryphaena hippurus

En décembre 2022, en allant pêcher les loups dans le golfe du Lion, un pêcheur du bord de mer captura trois tassergals, poissons carnassiers jusqu'alors observés en Méditerranée orientale. D'autres captures avaient été signalées en 2016 à Nice, puis en 2018 aux îles du Frioul, à Marseille, selon les commentaires laissés sur le site du Comptoir des Pêcheurs.

Les tassergals (Pomotamus saltatrix) sont présents aussi dans le delta du Rhône où ils chassent en bancs les mulets. Avec leur corps fuselé, leur tête imposante et leur grande bouche terrifiante aux canines pointues et acérées, les tassergals sont faciles à identifier. Ils peuvent peser jusqu'à 15 kg pour une longueur dépassant le mètre.

Le mot "Tassergal" dérive d'une traduction phonétique du mot berbère "tasârgâlt" qui désigne, au Maroc, le bar commun. Quant au terme arabe "sargâl" ou "sargan", il viendrait ainsi probablement de "sardan" qui signifie maquereau.

Je me souviens dans les années 50, à la jetée Delure du port de Casablanca, de pêches mémorables de grands tassergals, appâtés à la sardine. Les pêcheurs espagnols les appelaient "sarganas".

Pomotamus saltatrix

Autre poisson carnassier invasif : le barracuda (Sphyraena barracuda).

Depuis la fin des années 1970, le barracuda a largement colonisé les côtes nord de la mer Méditerranée, du golfe de Gênes jusqu'au massif de l'Estérel. Sa présence, constatée dans toute la Méditerranée, probablement due au réchauffement climatique, inquiète certains pêcheurs professionnels en raison de la voracité de ce carnassier envers les espèces autochtones, y compris envers d'autres prédateurs locaux tels que les loups.

Le barracuda est un poisson de grande taille pouvant mesurer jusqu'à 2 m de long pour un poids de 50 kg. Son corps est allongé, avec une mâchoire inférieure proéminente et des dents en forme de crocs. 

Au début des années 2000, alors que j'agachonnais au pied du petit Rouveau, îlot de l'archipel des Embiez, un banc d'une trentaine de barracudas mesurant environ 60 cm, passa au dessus de moi. Je me souviens encore de leurs formes élancées et de leurs corps argentés accrochant les rayons du soleil au zénith.

Sphyraena barracuda

Le baliste commun (Balistes capriscus) est un poisson dont la chair est comestible.

On parle de ce poisson depuis que des baigneurs se sont fait mordre aux mollets par des balistes agressifs, en 2020 dans l'Aude, et en 2022 dans le Var.

On ne peut pas dire que le baliste commun soit une espèce invasive récente puisque j'en avais capturé un à Carry-le-Rouet dans les années 70. Cependant c'est une espèce peu courante qui affectionne les eaux chaudes et qu'on apercevra plus souvent au nord de la Méditerranée, avec le réchauffement climatique. 

Le baliste commun a un corps haut et aplati latéralement avec une forme ovale et peut mesurer 30 à 45 cm. Sa peau rugueuse, couverte de petites plaques losangiques, est épaisse, ce qui rigidifie le corps et ne lui permet pas de nager avec souplesse. Sa tête porte des yeux de taille réduite. La bouche étroite et petite, bordée de grosses lèvres, est garnie de fortes dents (14 en haut et 8 en bas) qui lui permettent de casser les coquilles de mollusques ou les carapaces des crabes. C'est un poisson discret dont la couleur varie du grisâtre au verdâtre.

Balistes capriscus

Le Poisson-lapin à queue tronquée (Siganus luridus) fait beaucoup parlé de lui car il inquiète les scientifiques qui le surnomment "la vache" ou "la tondeuse" !

Il a été observé près de Marseille, dans le Parc Marin de la Côte Bleue, en 2008, donc c'est une espèce potentiellement invasive. 

Ce poisson possède un corps en forme de fuseau, fortement comprimé latéralement et très élevé. Sa taille est en moyenne de 20 cm. Il évolue très près du fond, vers 15 à 20 m, là où les herbiers et les algues sont abondants. Au niveau de la chaîne alimentaire, le poisson-lapin entre directement en confit avec la saupe (Sarpa salpa) qui elle aussi est herbivore. Il fait de gros dégâts dans tout ce qui est algues ou herbiers de posidonies, dans les habitats et autres nurseries pour certaines espèces.

Les blessures causées à l'Homme par les épines à venin sont très douloureuses, passagères et sans conséquence grave, rappelant les piqûres causées par l'aiguillon dorsal des vives. A signaler aussi des risques d'intoxication alimentaire du type ichthyoallyeinotoxisme, c'est-à-dire d'intoxication hallucinogène, après consommation de ce poisson (Note3). 

Un poisson auquel il ne faut pas se fier tant il paraît, à première vue, inoffensif !

Siganus luridus

La Girelle-paon (Thalassoma pavo). Dans les années 90, au Gaou, toujours dans l'archipel des Embiez, j'avais observé le ballet haut en couleurs de quelques girelles-paons en période de frai. Originaire de Méditerranée méridionale, les premiers spécimen sont apparus sur nos côtes dans les années 80.

La girelle-paon femelle a un corps finement strié et hachuré de 4 à 6 bandes transversales bleu-ciel, une tache dorsale noire et une tête bariolée de lignes bleu-ciel. Le mâle, de couleur vert olive, n’a qu’une seule barre bleu bordée de rouge derrière la tête, laquelle est marbrée de bleu. Cette espèce vit près de la surface, autour des rochers couverts d'algues où elle trouve sa nourriture.

Thalassoma pavo

Connu aussi sous le nom de "tétraodon", le poisson-ballon à bandes argentées (Lagocephalus sceleratus) a un corps argenté, voire gris, avec des points noirs réguliers, sauf sur le ventre qui est blanc.

Il est capable de gonfler son corps en avalant de l'eau. Lorsqu'il n'est pas gonflé, le corps est allongé et légèrement comprimé latéralement. Le poisson-ballon mesure entre 20 et 60 cm et se nourrit principalement de crevettes, mais aussi de crabes, de poissons, de calmars, de mollusques et de seiches.

Un spécimen avait été pêché en France, à Gruissan (Aude), dans l'été 2014. Cette espèce est donc considérée comme invasive en Méditerranée, et figure sur la liste noire des « espèces envahissantes dans les aires marines protégées méditerranéennes » tenue par l'UICN (Note4).

En outre le poisson-ballon à bandes argentées est un poisson toxique. Dans son foie, ses viscères, sa peau et ses gonades est concentrée une substance (la tétrodotoxine) qui provoque la paralysie respiratoire et cause des problèmes de circulation sanguine à leurs consommateurs.

En règle générale il n'est pas recommandé de consommer du poisson qu'on ne connaît pas et dont on ignore les supposés méfaits.

Lagocephalus sceleratus

Avec l'arrivée d'espèces concurrentes qui tendent à supplanter, voire à faire disparaître les espèces autochtones, les biologistes ont constaté une réduction sensible de la biodiversité. Il est vrai que l'augmentation de la température de l'eau, provoquée par le changement climatique, favorise l'implantation d'espèces tropicales en provenance de l'océan Atlantique et de la mer Rouge. 

Les observations de barracudas dans les eaux provençales en sont l'un des exemples les plus symptomatiques. Tous ces animaux disposent de deux portes d'entrée principales que sont le détroit de Gibraltar et le canal de Suez, surtout depuis l'élargissement de ce dernier en 2015. 

Mais ce n'est pas tout. L'eau de ballast des navires constitue un moyen de transport privilégié des espèces exotiques juvéniles qui peuvent ainsi voyager sur de très grandes distances jusque dans les ports français, tel le complexe Marseille-Fos où ces navires sont déballastés.

Le futur nous réserve encore bien des surprises... pas forcément agréables !

Poisson-lion, poisson-pierre et poisson-flûte

Notes :

* Note1 : la migration lessepsienne (du nom de Ferdinand de Lesseps, architecte du canal de Suez) est un type de migration animale se faisant de la mer Rouge vers la mer Méditerranée.
* Note2 : tels le poisson-lion appelé aussi rascasse volante (Pterois miles) dont les épines sont venimeuses, le poisson-pierre (Synanceia verrucosa), lui aussi venimeux, et le poisson-flûte (Fistularia commersonii), long poisson carnivore qui se nourrit de poissons juvéniles.
* Note3 : c'est une toxine méconnue qui concerne également les mulets et les surmulets, les saupes, les poissons-coffres, mérous tropicaux, poissons-clowns et certains poissons-chirurgiens.
* Note4 : UICN = Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Photos : images du Net traitées 3R (rognage + redimensionnement 800 pixels + retouche)
 
Sources : Données d'Observations pour la Reconnaissance et l'Identification de la faune et la flore Subaquatiques (DORIS)

dimanche 8 janvier 2023

La pêche en bord de mer

En Atlantique, Manche et Mer du Nord, la pêche en bord de mer est influencée par les marées. Ceux qui pratiquent le surfcasting, qui est une pêche à la calée à partir d'une plage de sable, débutent leur pêche depuis la marée montante jusqu'à marée haute, en suivant la remontée des poissons en quête de nourriture, tels les carnassiers. La pêche à soutenir est une autre technique permettant la pêche en aplomb depuis les jetées, le long des quais portuaires et des estacades.

En Méditerranée, il en est autrement car l'amplitude maximale des marées est de 40 cm. La pêche en bord de mer se limitera aux digues portuaires et au pied des côtes rocheuses. Les techniques de pêche seront alors la pêche à la calée et celle au bouchon.

Pêcheur depuis la digue du port de la Coudoulière, à la calée et au bouchon (30/10/2011)

Pêcheurs depuis la digue du port de la Coudoulière (17/08/2012)

Pêcheurs depuis la digue du port de la Coudoulière (21/08/2012)

La frange littorale du quartier de la Coudoulière est délimitée au sud par la pointe du Carabinier et au nord par le cap Nègre. Entre ces deux pointes il y a les épis de la plage de la Coudoulière, mais ceux-ci sont interdits à la pêche. Il y a surtout la jetée du  port qui accueille grand nombre de pescadous quand le temps le permet... c'est-à-dire quand il n'y a pas du grand mistral car les vagues, lorsqu'elles éclatent au pied des rochers de la digue, projettent des embruns par dessus celle-ci !

Jetée du port de la Coudoulière par fort mistral (17/02/2022)

Pour pêcher, l'idéal est donc d'y venir en l'absence de vent, ou mieux après une renverse des vents du nord (mistral) et de l'ouest (tramontane), car les poissons viendront s'alimenter des détritus arrachés aux rochers, se trouvant en suspension dans l'eau. Vous y pêcherez des poissons de roche (crénilabres, labres, serrans), des sars, et plus rarement des rougets et des daurades royales si vous appâtez avec des vers marins, moules et crevettes. 

Si vous utilisez la technique de la pelote, qui est une pêche à soutenir en utilisant comme appât de la pâte, vous pourrez pêcher des muges (mulets) et des saupes (dorades dorées), ces poissons se déplaçant en surface et en bancs. 

Pêcheurs sur un épi bordant la plage des Roches Brunes (18/11/2012)

Pêcheurs depuis la digue du port de la Coudoulière (26/09/2012)

Pêcheurs depuis la digue du port de la Coudoulière (08/05/2013)

Pêcheur à la calée depuis la digue du port de la Coudoulière (08/05/2013)

Quand la jetée est trop encombrée de pêcheurs, certains sont amenés à utiliser des mini bateaux de pêche gonflables. L'avantage est de pêcher au delà de la zone des lancers, et en aplomb de l'embarcation afin de limiter l'accrochage du bas de ligne avec les rochers.

Pêcheur en mini-boat (23/09/2022)

Il y a un peu plus gros que le mini bateau, c'est le scooter des mers. Il ne transporte, lui aussi, qu'une seule personne, mais son champ d'action est sensiblement le même que celui des bateaux de pêche motorisés pratiquant la pêche côtière.

Pêcheur en jet-ski (17/08/2012)

Restons sur la terre ferme pour ne pas déborder du sujet principal qui consiste en la pratique de la pêche à pied, en bord de mer, au quartier de la Coudoulière ! 

En résumé, la côte orientale du cap Nègre, difficile d'accès, offre des spots intéressants, tout comme la pointe du Carabinier qui du fait de peu de profondeur n'autorise que la pêche à la pelote... ce qui explique pourquoi la jetée du port de la Coudoulière est très fréquentée par les pêcheurs à la canne.

Même si les poissons ne mordent pas, reste la vue magnifique sur les Embiez (23/02/2021)

Alors amis pêcheurs, si vous venez à Six-fours-les-plages, je vous souhaite de bonnes pêches... et même si vous n'attrapez pas grand chose (sinon un coup de soleil en été), vous pourrez toujours admirer la beauté du paysage que nous offrent la grande bleue et l'archipel des Embiez tout proche.
 
Photos : RHP Collection.

mercredi 4 janvier 2023

La pêche sous-marine

Article publié le 14 octobre 2011 ; réactualisé le 9 janvier 2023

Secteur de la Coudoulière à Six-fours-les-plages

Avant de pratiquer la pêche en apnée, qu'elle soit sportive ou de loisir, s'informer de la réglementation locale auprès des Affaires maritimes du Var.

En principe la pêche n'y est autorisée que du 1er avril au 31 octobre. Eviter les épis proches de la plage de la Coudoulière et préférer la zone en face de la jetée du port. Sur le sable vous y trouverez soles et seiches enfouies, ainsi que des rougets et des muges fouillant la vase. Dans les posidonies se cachent poissons de roche, saupes, poulpes, quelquefois des daurades royales. 

En progressant vers le cap Nègre (zone 1), vous pourrez espérer capturer des loups, sars, gros labres, poulpes et rascasses. Sinon la pointe du Carabinier (zone 2), plus rocheuse mais moins profonde, est fréquentée par des loups, sars, saupes, labres et poulpes.

Crénilabres, sars et poulpes (26 avril 2004)

Le plan satellitaire du secteur de la Coudoulière montre les deux spots (colorés ici en mauve) pour un départ à la palme. Les croix rouges indiquent les endroits où les chasseurs sous-marins se mettent généralement à l'eau.

Les deux spots de pêche sous-marine au départ de la Coudoulière
 
Pêchez toujours en binôme comme le veut la réglementation en matière de sécurité. Un qui plonge et l'autre qui surveille celui qui est sous l'eau, telle est la règle, pour éviter tout accident par noyade. Ayez toujours une bouée avec vous, surmontée du drapeau de plongée, pour signaler votre présence en mer.
 
Pêche en binôme devant la jetée du port (4 octobre 2015)

Pêcheur sous marin (4 octobre 2015)
 
Pêcheur sous marin (23 septembre 2022)
 
Les photos d'archives ci-après montrent poissons et mollusques qui ont été pêchés le matin dans le secteur de la Coudoulière, en absence de vent ou par léger vent d'est. La pêche étant impraticable par forts vents du nord (mistral) ou d'ouest (tramontane), on préférera d'autres spots plus abrités.

Daurades, crénilabres, rougets, soles, poulpes et seiches (30 avril 2005)

Daurade, crénilabre, rougets, sars, rascasses, serran et poulpe (13 août 2007)

En savoir plus sur la pêche sous-marine à la Coudoulière en vous connectant sur le site de :
Chasse sous-marine en Provence

Photos : RHP Collection.

mardi 1 mars 2022

Ophisurus serpens, le serpent de mer

Il s'agit un article que j'avais écrit en 2002 - donc il y a 20 ans - pour le site internet de "Chasse sous-marine en Provence" et intitulé " Les serpents de mer ont-ils envahi le plateau continental (1) ? ".

Si je le publie sur le Blog de la Coudoulière, c'est qu'il est toujours d'actualité, comme le confirme le témoignage d'Isabelle BERGERON : "Le 19 novembre 2021, dans la baie de Cabasson (Bormes-les-mimosas), à 500-600 m du bord maxi, profondeur d'eau peut-être 10 m, assez translucide, la bestiole était à 3-5 m de profondeur. J'étais en Stand Up Paddle et j'ai vu un reflet bizarre qui tortillait/serpentait sur place. Je me suis rapprochée un peu car cela m'intriguait. Je croyais voir une corde d'abord, mais ça ne bougeait pas avec le courant et une corde ne serpente pas toute seule sur place sans quelque chose qui provoque ce mouvement, ni se remet tout droit toute seule. J'ai compris que ce n'était pas qu'un reflet et en plus c'était vivant. Pas pu distinguer de tête, l'animal était épais de 5-6 cm, longueur, ça me semblait être 5 m, mais bon, là-dessus je peux me tromper et puis je n'ai pas pu continuer à observer car ça se dirigeait vers moi en prenant de la vitesse. Je n'ai jamais ramé aussi vite de ma vie !"

C'est bien un Ophisurus serpens qu'Isabelle a vu de son Paddle, même si le poisson nageait entre deux eaux pendant ses déplacements. Quant à l'appréciation de sa longueur, on peut diviser par deux à cause des oscillations qui donnent l'impression que l'animal est plus grand. 

Autre témoignage de Pascal en date du 24 juillet 2018 m'informant qu'en 30 ans de pratique de la nage avec palmes, masque et tuba, c'était la première fois qu'il apercevait au Rayol-Canadel sur mer, par 3 mètres de fond seulement, un Ophisurus serpens. Une rencontre assez surprenante en si faible profondeur qu'il a tenu à partager, ce dont je l'en remercie.

Des recherches sur Internet m'avaient permis d'identifier ce poisson comme étant un serpent de mer, appelé également serpent de sable, serpenton à long nez ou anguille des profondeurs, et que c'était une espèce marine de poissons anguilliformes de la famille des Ophichthidae. Selon un site espagnol, il vivrait habituellement entre 500 et 2450 mètres de profondeur, faisant des excursions dans des zones allant de -10 à -400 mètres.

Sa reproduction a lieu de juin à septembre. On le rencontre en Atlantique est, de la péninsule ibérique à l'Afrique du sud, dans l'ouest de la Méditerranée, dans l'ouest de l'Océan Indien, du Mozambique à l'Afrique du sud, et dans le Pacifique ouest, du Japon à l'Australie. En Italie, on en a identifié dans les substrats de la lagune de Venise, et en Australie, derrière la barrière de corail... donc dans des lieux très diversifiés, pourvu que la nourriture soit abondante, et que le sol soit assez meuble pour permettre l'enfouissement du corps à reculons, grâce au rostre terminal de sa queue.

Les serpents de mer ont-ils envahi le plateau continental ?

C'est la question qu'on est en droit de se poser après avoir constaté, au fil des ans, des captures de ce poisson de plus en plus près des côtes. La première fois que j'ai pêché un Ophisurus serpens, c'était entre le cap Sicié et la pointe du Cap Vieux, le mercredi 2 octobre 2002. Je cherchais des soles sur la partie sablonneuse, au delà des dernières pierres, car j'avais aperçu des empreintes de poissons plats après m'être égaré à la poursuite d'un banc de marbrés. Lors des demi-plongées, ce que je pris pour une cannette de bière renversée par douze mètres de fond, était en fait un poisson non répertorié, enfoui dans le sable, dont seule la tête émergeait d'un creux en forme d'entonnoir.

Ophisurus serpens dont le corps est enfoui dans le substrat

Je m'approchai de ce poisson inconnu et tirai à la base du crâne pendant qu'il esquissait un recul. La moitié de la flèche disparut dans le sable. C'est en tirant sur le fil nylon que je vis la bête dans son intégralité : un serpent de mer entièrement déployé, de couleur beige sur le dos et blanche sur le ventre, d'une longueur de 2,20 mètres, qui gigotait au bout de la tahitienne. Une bouche largement fendue, un peu comme la murène, mais avec des dents plus fines et un museau assez long et effilé. Quand au diamètre du corps, il n'excédait pas les 6 centimètres dans sa partie la plus large et son poids avoisinait les 2,5 kg.

Ophisurus serpens enroulé dans l'évier

En France, on a pêché ce poisson à Cannes par 35 mètres de fond et à Carro par 30 mètres. Je suis allé sur le site de Christian COUDRE. Ce qu'il a écrit sur les Ophisurus serpens, qu'il appelle anguilles des profondeurs, corrobore les observations recueillies sur le Net. "Un spécimen d'Anguille des profondeurs, de la famille des Ophichthidae, a été signalé par Stéphane PUGNETTI (Cannes). Pêché au large de Cannes par 35 mètres de profondeur sur un sédiment sablonneux, ce poisson de 2 mètres de long pesait environ 2 kg. Ces Anguilles marines font partie de la faune abyssale. Des spécimens ont été ramenés lors de prélèvements effectués au delà du plateau continental, jusqu'à plus de 1000 mètres de profondeur. L'absence de végétaux n'y laisse pour nourriture que le monde vivant lui même. Les poissons des grands fonds sont pour la plupart de féroces prédateurs et ont des formes très étranges, presque irréelles. Leur bouche est souvent disproportionnée, de grandeur démesurée leur permettant d'absorber des proies de taille égale, voir supérieure à la leur. Le fait de rencontrer de telles espèces sur le plateau continental n'est pas vraiment surprenant et n'est pas forcément le fait d'un égarement. La faune abyssale, encore mal connue, a aussi des raisons de migrer vers des lieux où les paramètres biologiques correspondent aux conditions vitales de leur reproduction et ainsi au maintien de l'espèce."

Je suis allé au Muséum d'Histoire Naturelle de la ville de Marseille. Un Ophisurus serpens d'environ 2 mètres y est naturalisé. Vu l'état et la méthode de conservation employée, il doit dater de plusieurs dizaines d'années. Le nom français qui lui a été attribué à l'origine est serpent de mer.

Le mardi 15 octobre 2002, deux semaines après la capture de l'anguilliforme, et juste avant l'interdiction de pêcher qui va du 1er novembre au 31 mars, je suis retourné au même endroit. Par dix mètres de fond, j'en ai aperçu deux qui gitaient à 3 mètres l'un de l'autre. Je ne les ai pas pêché car leur chair est immangeable. Le tronçon, coupé dans la partie haute du corps, que j'avais cuisiné était bourré d'arêtes, et côté gustatif, la chair au demeurant blanche et fine, était de saveur fade.

Le samedi 19 avril 2003, donc 6 mois plus tard, je revins sur les lieux, et malgré l'absence d'ensoleillement (il avait plu ce jour-là), j'en ai vu un, ce qui confirme que les Ophisurus serpens ne sont pas venus sur le plateau continental uniquement pour frayer, ce qu'on pouvait être en droit de supposer, vu le manque d'informations que nous possédions sur ce poisson. Cette fois-ci je l'ai pêché, car j'ai estimé que ce redoutable prédateur pouvait créer un déséquilibre biologique dans les lieux qu'il s'est mis en quête d'investir. Il mesurait 2 mètres pour un poids de 2,3 kg.

Ophisurus serpens dans toute sa grandeur

Je me suis souvenu que, quelques années auparavant, en cherchant des favouilles (2), à 60 cm de profondeur, dans la partie sablonneuse plantée de posidonies entre l'île du Grand Gaou et l'archipel des Embiez, deux anguillons d'une vingtaine de centimètres étaient passés sous mon corps et s'étaient ensablés. Ce n'est que bien plus tard que j'ai fait le rapprochement entre ces étranges anguillons et les serpents de mer adultes, preuve inéluctable que ces poissons quittent les profondeurs pour venir frayer dans la bande littorale.

Si vous aussi avez rencontré cet étrange poisson venu des fonds abyssaux, venez apporter votre témoignage à cet article en y laissant un commentaire.

D'autres informations sur l'Ophisurus serpens sont disponibles sur le site de "Chasse sous-marine en Provence", aux rubriques "Poissons de A à Z" et "Autres poissons de la Galerie de photos".

Notes :

(1) Le plateau continental, appelé aussi plate-forme continentale, est le prolongement du continent sous la surface de l'océan. Il est  recouvert de sédiments terrigènes provenant de l'érosion des continents et descend plus ou moins doucement jusqu’à environ 200 mètres de profondeur. Au delà c’est le talus continental qui descend brusquement jusqu’à la plaine abyssale qui s’étend à environ 2000 à 2500 mètres de profondeur.

(2) La favouille est le nom donné en Provence à Carcinus mœnas ou crabe vert.

mardi 1 février 2022

Recrudescence de poulpes en Bretagne et raréfaction en Méditerranée

Il y a 10 ans, sur les étals d'un pêcheur côtier de Haute Normandie, figuraient quelques rougets parmi les soles, turbots, grondins, tombes, limandes et barbues habituellement pêchés. C'était la première fois que ce pêcheur ramenait dans ses filets des rougets-barbets (1), poissons jusqu'alors peu prisés des consommateurs locaux.

On attribua ces captures étranges au phénomène climatique formé par le courant marin el Niño dont les eaux chaudes remonteraient l'Atlantique pour atteindre la mer du Nord. Mais el Niño présente un caractère cyclique qui se produit tous les 7 ans, alors que les rougets-barbets continuèrent de garnir les filets des pêcheurs dans ces eaux océaniques réchauffées. Donc exit el Niño, ce qui me laisse à penser que ce phénomène, dû au réchauffement planétaire, se poursuivra encore et inexorablement dans les années à venir. 

Rougets barbets pêchés au Tréport en 2012

Cet hiver les pêcheurs bretons ont ramené dans les casiers à homards de gros poulpes communs (2) qui s'étaient nourris des crustacés piégés dans les nasses. Le nombre de homards, langoustes, crabes, mais aussi coquilles Saint-Jacques se trouva en baisse à l'approche des fêtes de fin d'année... mais les poulpes se pêchèrent à profusion !

Voici l'édifiant constat, sans compter le manque à gagner pour ces pêcheurs ! Cette fois la faute fut attribuée au réchauffement climatique et corollairement à l'élévation d'un tout petit degré de l'eau de mer en quelques années, venus s'ajouter aux effets du Gulf Stream (3).

Poulpes pêchés dans le Finistère en 2021

Dans une étude publiée en mai 2016 dans la revue Current Biology, des chercheurs australiens avaient observé que le réchauffement climatique, auquel s'ajoutait l'acidification progressive des océans, paraissait profiter aux céphalopodes comme les poulpes, les seiches et les calamars dont les populations se sont multipliées ces dernières décennies. 

Les pêcheurs craignent que l'élévation de la température de l'eau favorise le développement des juvéniles, car l'année écoulée, ce sont 17 tonnes de poulpes qui ont été pêchés contre une tonne l'année précédente. Malgré cette quantité importante, le poulpe - qui se vend en moyenne cinq euros le kilogramme - trouve preneur notamment à l’étranger car c’est un produit qui s’exporte essentiellement en Italie, en Espagne, au Portugal et en Grèce.

Poulpe échoué en 2013 sur la plage de la Coudoulière (Six-fours-les-plages)

En revanche, l’animal est peu consommé en Bretagne, même si les restaurateurs les cuisinent à l’Armoricaine comme ils le font pour les seiches ou les calamars. Pour une bonne valorisation du produit, il conviendrait de trouver de nouveaux débouchés économiques pour le poulpe et apprendre à le cuisiner comme il est d'usage dans le pourtour méditerranéen.

Les poulpes ont peu de prédateurs. Citons les baudroies qui, camouflées, les avalent quand ils passent à proximité, et les gros bars qui gobent les jeunes individus. Généralement les grands poulpes échappent à la prédation car les carnassiers savent que les rôles peuvent s'inverser et qu'ils peuvent devenir la proie de ces céphalopodes aux puissantes mâchoires cornées en forme de « bec de perroquet » et aux tentacules (4) redoutables.

Poulpes capturés en pêche sous-marine dans les années 1980 et 2000 

Mais voilà, si le poulpe est pléthorique dans le sud de la Bretagne, il se fait de plus en plus rare en France méridionale. La cause : la surpêche - diront certains - surtout en période estivale avec un nombre accru de pêcheurs sous-marins en quête de proies faciles.

Pas si faciles, diront d'autres pêcheurs, surtout quand le poulpe se dissimule au fond d'un trou profond, ou qu'il crache un épais nuage d'encre noire pour faire diversion et disparaître de la vue de l'assaillant. Une autre théorie consiste à dire que la raréfaction du poulpe en Méditerranée est due à son prédateur naturel : le mérou, gros consommateur de céphalopodes. Sur Youtube circulent des vidéos montrant des mérous attaquant des poulpes.

Lors d'un championnat de Provence individuel de pêche sous-marine, j'avais assisté à la pesée d'un mérou. De son énorme gueule sortit un poulpe avalé par le poisson avant sa capture... N'en déplaise au GEM, les mérous, espèces protégées par différents moratoires de 1993 à 2023, consomment les poulpes dont la pêche en certains lieux est réglementée (5) et qui seront durablement protégés dans quelques années, comme l'ont été avant eux les grandes cigales de mer... dont sont justement friands les mérous.

Les murènes se nourrissent des gros poulpes dont elles arrachent les tentacules, jamais de l'individu entier. Ces tentacules coupés se régénèreront et fourniront d'autres repas aux murènes en échange de la vie du poulpe, telle est la loi de la nature !

Mérou tentant de capturer un poulpe

Depuis l'Antiquité, le poulpe a été un mets apprécié des fins gourmets. Les romains, les grecs et les carthaginois les capturaient au moyen d'amphores immergées, reliées entre elles par des cordages. Il y avait des saisons pour la pêche des poulpes. Du fait d'une pêche non intensive, les ressources n'étaient jamais épuisées.

Il faut admettre que la gestion du milieu halieutique et le maintien d'un écosystème responsable sont déjà compliqués à mettre en oeuvre en temps normal. Alors que penser quand dame Nature s'en mêle... d'autant plus que les phénomènes climatiques observés ne sont pas dus aux fruits du hasard, mais à l'augmentation des concentrations des gaz à effet de serre dans l'atmosphère (6) produits par les activités humaines !

Pêche des poulpes à l'amphore et à l'aide d'un trident (mosaïque de Tunisie)

Photos : RHP Collection.

Notes :

(1) Mullus barbatus appelés aussi rougets de vase, en opposition à Mullus surmuletus, les rougets de roche.
(2) Octopus vulgaris dont le nom vernaculaire "Poulpe" vient du grec "polupous" signifiant "pieds multiples".
(3) Chez Octopus (en latin : "huit pieds") le nombre de tentacules est donc de 8. Ces tentacules de longueurs égales possèdent deux rangées de ventouses munies d'organes sensoriels.
(4) Le Gulf Stram est un courant océanique chaud de surface qui part de Cuba, longe la côte des USA et remonte vers l'Atlantique nord où il se partage en trois bras. Un bras va jusqu'en Islande, un autre contourne les îles britanniques pour se perdre en mer du nord et le dernier bras touche la Bretagne.
(5) Dans le parc marin des Calanques, il est interdit de pêcher le poulpe en chasse sous-marine du 1er juin au 30 septembre. En dehors de cette période, les prises sont limitées à 3 individus par pêcheur.
(6) particulièrement du dioxyde de carbone dont le niveau a augmenté de plus de 40 % dans l’atmosphère en à peine 150 ans.

mardi 30 novembre 2021

Pourquoi les sardines sont-elles de plus en plus petites ?

Sans être taxés de chauvinisme, les provençaux affirment que les sardines de Méditerranée sont plus goûteuses que celles de l'Atlantique... et d'avouer quand même qu'elles sont plus petites, et tellement petites qu'elles finissent par passer au travers des grilles des barbecues !

De ce fait elles ne sont plus plébiscitées par les amateurs de sardines, sauf si elles sont consommées en friture ou en carpaccio ! Adieu donc les sardinades et aussi les pizzas aux anchois ? Pêcheurs et consommateurs s'inquiètent, car depuis 2008 le stock de sardines et anchois ne cesse de s’effondrer en Méditerranée. 

Sardinade

A la question : Pourquoi les sardines de Méditerranée sont-elles de plus en plus petites ? Plusieurs hypothèses ont été émises. Ont été montrées du doigt la surpêche et la prédation du temps, mais c'est peu probable. Les coupables potentiels, ce sont la Méditerranée qui se réchauffe : + 0,6°C en 30 ans, les changements atmosphériques et marins conjugués avec la nature de l'eau du Rhône. 

Résultat, le plancton, qu'il soit végétal (phytoplancton) ou animal (zooplancton), est plus petit. La croissance des sardines se nourrissant de ces organismes planctoniques est donc affectée par cette problématique.

Plancton marin

Une enquête a été confiée au MARBEC, une unité de recherche réunissant l’IRD, l’IFREMER, l’université de Montpellier et le CNRS. Durant trois ans, les populations de poissons ont été suivies en mer, à l'aide d'un sonar, et sondées par des chalutages pour suivre les fluctuations des stocks.

Les résultats de cette étude sur les Changements dans les populations de petits pélagiques du Golfe du Lion, baptisée EcoPelGol, ont de quoi inquiéter. « À l’origine, les pêcheries ont constaté une baisse des captures, en tonnages, raconte Claire Saraux, chercheuse à l’IFREMER et coordinatrice du projet. Il y avait pourtant, en nombre d’individus, autant de poissons qu’avant, voire plus, mais ils étaient plus jeunes, plus petits et moins gros ». La comparaison avec des études précédentes a montré que la biomasse en Méditerranée a été divisée par trois en dix ans. « Pour les sardines, on est passé de 200.000 tonnes à 67.000 tonnes, et de 100.000 à 30.000 pour les anchois ».

Sardines sur les étals du Vieux Port de Marseille

Comment expliquer ces deux effets ? Le plancton serait-il moins nourrissant ? On constate qu'il y a moins de vieux poissons et des poids individuels plus faibles, même à taille égale. « Nous avons envisagé toutes les causes possibles : la surpêche, la prédation, les maladies et l’alimentation ». Les deux premières ont été exclues pour les même raisons : les pêcheurs de sardines et les thons rouges dont la pêche est régulée, ne prélèvent que de faibles quantités par rapport aux stocks, et ni les uns ni les autres ne choisissent préférentiellement les plus gros poissons. 

En procédant par élimination, les biologistes se sont donc tournés sur les parasites. « Nous avons cherché tout ce qui est possible : virus, bactéries et parasites. Nous en avons trouvés mais on ne sait pas si cela peut expliquer la mortalité des poissons âgés ou leur maigreur. En fait, cela nous semble peu probable. ». 

Le principal suspect est l’alimentation car les sardines, on l’a dit, sont plus maigres, et quelque soit leur âge, les réserves de graisse étaient plus faibles. Les chercheurs ont finalement traqué le plancton et, plus précisément, le mets préféré des anchois et des sardines : les copépodes. Présents dans toutes les mers du Globe, ainsi qu’en eau douce, ils représentent souvent l’essentiel du plancton, en masse comme en nombre.

Selon l’étude EcoPelGol, « Les populations de copépodes ont changé depuis les années 1990. Aujourd’hui, les espèces dominantes sont plus petites ». Anchois et sardines ont donc moins à manger, ce qui affecte leur développement corporel et la reproduction. « Les animaux ont deux stratégies dans ce cas : soit ils remettent la reproduction à plus tard, soit, à l’inverse, ils la privilégient, quitte à moins grossir et à mourir plus tôt. En général, les espèces à vie courte tels les sardines et anchois, adoptent la seconde solution. D’ailleurs, on a remarqué qu’ils se reproduisent plus jeunes qu’avant ».

Autre question : pourquoi les copépodes sont-ils plus petits ? L’étude ne va pas jusque-là pour l’instant. Il faudra observer plus finement le plancton de Méditerranée et corréler ces résultats avec d’autres campagnes. Toutes les hypothèses sont sur la table, du réchauffement de l’eau jusqu’à la pollution par les eaux du Rhône. « Notez bien, tempère Claire Saraux, que cette modification du plancton désavantage les anchois et les sardines, mais qu’elle peut avantager d’autres espèces préférant des copépodes plus petits ! »

La taille des sardines est plus petite

Quatre centimètres perdus et un poids moyen divisé par trois. La sardine de Méditerranée ne grossit et ne grandit plus. Tel est le constat établi par l'IFREMER. Maillons essentiels de la chaîne alimentaire dans l’océan, ces poissons comptent parmi les plus pêchés au monde. Sur les étals des poissonniers de Méditerranée, il ne reste que des sardines de l’Atlantique, plus grosses et plus adaptées aux sardinades. 

« On est quasiment sûr que c’est vraiment un problème d’alimentation, assure Jean-Marc Fromentin, chercheur à l’IFREMER. Selon lui, le réchauffement climatique serait en cause, car la température de la Méditerranée a augmenté de 0,6°C en 30 ans. Le scientifique a aussi observé des modifications de la circulation atmosphérique et océanique ainsi qu’une baisse des nutriments apportés par le Rhône. Une expérimentation inédite par son ampleur en milieu contrôlé a en outre été menée dans le cadre de cette étude. Un total de 450 sardines ont été réparties dans huit bassins afin de tester l’effet de la taille et la quantité de nourriture nécessaire à leur survie, leur croissance et leurs réserves en graisse. 

Résultat : une sardine recevant des aliments de petite taille doit en avoir une double portion pour grandir comme une sardine nourrie avec des aliments de grande taille. D'autre part elle dépense deux fois plus d’énergie pour acquérir la même quantité de nourriture, ce qui la fatigue. Avec une nourriture moins riche en plancton, les dépenses énergétiques sont telles qu’elles n’arrivent pas à survivre », explique Jean-Marc Fromentin. L'étude a montré que les poissons nourris en grande quantité avec des aliments de plus grande taille ont retrouvé une taille similaire à ceux pêchés avant 2008 !

Banc de sardines

En trois ans, tous les pêcheurs ont abandonné la pêche à la sardine. « D’une année à l’autre, la grosse sardine a complètement disparu et je n’étais plus rentable, je n’arrivais pas à payer mes créances, les charges... », affirme Pierre D’Acunto, président de l’Association Méditerranéenne des Organisations de Producteurs, à Sète (Hérault).

Désormais, le phénomène des sardines plus petites s'observe autour des Baléares, mais aussi côté Atlantique. « En dix ans, la taille des sardines du golfe de Gascogne est ainsi passée en moyenne de 18 à 15 centimètres et elles sont deux fois moins grasses », révèle Martin Huret, chercheur halieute à l’IFREMER.

Pêche artisanale au Croisic (Loire Atlantique)

Pour la sardine et l’anchois d’Atlantique, l’arrivée annuelle des jeunes, reste plutôt élevée. Il est à un bon niveau pour la sardine. Pour l’anchois, après une crise dans les années 2000 qui avait amené à la fermeture de la pêcherie entre 2005 et 2010, la population du golfe de Gascogne a retrouvé une abondance satisfaisante. 

« Mais les pêcheurs nous ont très vite alertés sur le fait que les poissons étaient plus petits, raconte Martin Huret. Comme ils sont plus souvent en mer que nous, les chercheurs, on a vérifié : leur impression était bonne ». La maturité sexuelle suit la réduction de la taille. Les halieutes ont d’abord mesuré l’âge des poissons grâce aux otolithes (os de l’oreille interne). Les sardines de Méditerranée n’ont qu’un an d’âge en moyenne contre 2 à 3 ans auparavant. Cela explique pourquoi les débarquements méditerranéens sont passés de 15.000 tonnes en 2000 à 1.000 tonnes lors de la dernière décennie.

Pêche des sardines à l'échelle industrielle

Du côté de l'Atlantique, la situation est moins problématique pour les pêcheurs puisque les sardines y sont à la base plus grandes et plus grosses qu'en Méditerranée. De 18 centimètres et 40 grammes, elles sont toutefois passées à 14 centimètres et 20 grammes. Ces évolutions ont un impact sur l'espérance de vie de ces poissons pélagiques, estime l'IFREMER : dans le golfe de Gascogne, celle-ci atteint cinq ans aujourd'hui, contre huit ans auparavant. 

Dans le golfe du Lion, aucune sardine ne dépasse l'âge de deux ans. « De toute évidence, les deux phénomènes sont liés. Moins grasses, plus fragiles, les sardines meurent prématurément », selon l'Institut.

Quelques prédateurs des sardines

« Aujourd’hui il devient rare de trouver des sardines âgées de plus de 6 ans dans le golfe de Gascogne, alors que dans les années 2000 les pêcheurs ramenaient fréquemment des individus de plus de 10 ans », relève Martin Huret.

Dans le golfe du Lion, où ce phénomène est encore plus inquiétant, les sardines sont devenues si petites qu’elles ne trouvent même plus de débouchés. L’ensemble de la chaîne trophique et le socio-écosystème constitué par la filière française de pêche des petits pélagiques est donc potentiellement en péril.

Pêche au lamparo au large de la Sardaigne durant l'Antiquité

Il serait dommage que la sardine soit moins présente dans nos assiettes car elle fait partie des petits poissons gras dont la consommation régulière et quotidienne sont favorables à notre santé. En effet leur teneur en acides gras Oméga 3, notamment en Oméga 3 "longue chaîne" tels que les EPA (acide eicosapentaénoïque) et les DHA (acide docosahexaénoïque), diminue les risques de survenue de nombreuses maladies cardio-vasculaires, de certains cancers, de troubles neurodégénératives, de dépressions ou encore de troubles déficitaires de l’attention…

Au-delà de ses acides gras, la sardine est également une excellente source de vitamines, minéraux et oligo-éléments. On y trouve du calcium, du magnésium, du fer, du zinc, de l’iode, du sélénium et de nombreuses vitamines dont des vitamines du groupe B et la fameuse vitamine D.

Des sardines moins grasses, donc moins riches en Omega 3, les rendent moins intéressantes sur le plan nutritionnel, que ce soient pour leurs prédateurs naturels, comme pour les consommateurs !

Voilà qui n'est guère réjouissant pour l'avenir de Sardina pilchardus, notre sardine nommée ainsi par les grecs de l'Antiquité qui les trouvaient en abondance dans les eaux côtières de la Sardaigne.

Sources : France Info, Le Point, Le Figaro, Parinat, Curieux!, Sciences et avenir, Futura Sciences.

Photos : images du WEB retaillées et retouchées.

mercredi 27 octobre 2021

Pêche en mer : marquages et tailles des poissons

Mon ami Fredo avait emmené son fils pêcher des gobies à l'abri du port de la Coudoulière afin de l'initier à la pêche en mer et lui montrer comment on enfilait une esche sur l'hameçon. Premier lancer, un sar qui passait par là est ferré à la grande surprise du gamin âgé de 5 ans, et aussi de son père qui l'aida à sortir le poisson. "Il était grand comme la main", s'extasiait le père. Je partageais son enthousiasme, n'osant lui avouer qu'il avait commis, par ignorance des règlements, deux infractions. La première qui est l'interdiction de pêcher dans les ports, et la seconde sur la taille des poissons. "Un poisson grand comme la main", avait-il dit, soit approximativement 18 à 20 cm, or la taille minimale de conservation d'un sar commun capturé est de 23 cm, donc il aurait du le remettre à l'eau... et s'il avait été plus grand, il aurait du le marquer !

"C'est quoi le marquage", allez vous dire ? Selon l'arrêté du 17 mai 2011, les poissons capturés dans le cadre de la pêche maritime de loisir devront faire l'objet d'un marquage, opération qui consiste en l'ablation de la partie inférieure de leur nageoire caudale comme indiqué dans le tableau ci-après. Cette mesure est destinée à lutter contre la fraude et à favoriser une attitude responsable des restaurateurs, des poissonniers et des consommateurs sur la nature des poissons qui leur seraient proposés.
Ce marquage s'applique à tous les poissons décrits ci-dessous dès leur capture s'ils ont été pêchés depuis le rivage par les pêcheurs à pied, ou au plus tard avant débarquement s'ils ont été capturés par des plaisanciers embarqués ou des pêcheurs sous-marins pêchant à partir d'un navire. Les chasseurs sous-marins pratiquant à partir du rivage devront marquer leurs captures dès leur sortie de l'eau. Tout manquement aux présentes dispositions peut donner lieu, indépendamment des sanctions pénales, à des sanctions administratives relevant du code rural et de la pêche maritime. Cette réglementation est affichée à la capitainerie du port de la Coudoulière.
D'autre part, tous les poissons et crustacés décrits ci-dessous, qui auront été capturés et dont la taille est inférieure aux tailles minimales devront être relâchés. Ne sont pas concernés par la règlementation les girelles, serrans, rascasses brunes, congres et murènes, poissons qui entrent dans la composition de la fameuse soupe de poissons de roche ! Quant aux pêcheurs d'oursins, ils devront être vigilants puisque la taille minimale de ces échinodermes est de 5 cm, hors piquants. A cela s'ajoute les réglementations concernant les périodes de capture soumises à autorisation et le nombre limite de prises par pêcheur et par bateau. Dans tous les cas il conviendra de s'informer auprès des affaires maritimes.


Toutes ces mesures découlent d'une charte d'engagements et d'objectifs pour une pêche maritime de loisirs éco-responsable, écrite en avril 2010 dans le cadre du Grenelle de la Mer et cosignée le 7 juillet 2010 par dix intervenants dont le Ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, du Ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, des responsables de fédérations (FFPE, FNPPSF, FFESSM, FCSMP), d'associations, de comités, et du Conservatoire du Littoral.

Maintenant que vous voilà amplement informés sur la réglementation de la pêche maritime de loisir, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter, fidèles lecteurs de ce blog, citoyens éco-responsables et respectueux des lois, de bonnes et fructueuses pêches...

Vous pouvez télécharger ces documents au format PDF sur le site gouvernemental des Affaires Maritimes du Var ou en cliquant directement sur les liens ci-après :
 
Taille minimale des organismes marins de Méditerranée
Liste des espèces devant faire l'objet d'un marquage

Un grand remerciement à Sylvain RONCA, de la Sarl LAKKO, qui m'a autorisé à puiser, dans sa collection des poissons de la mer Méditerranée, quinze des images de poissons composant ces deux tableaux. Je vous rappelle que ces  photographies, qui ne sont pas libres de droit (reproduction interdite), ont été publiées sur ce blog avec l'aimable autorisation de son auteur. Aussi je vous invite à découvrir ces belles photos de poissons, ainsi que le poster regroupant les 66 photos des poissons recensés en mer Méditerranée, en visitant son site : MARSEILLE-SYMPA.COM.