jeudi 27 août 2020

Le saumon des dieux

Quand on vous dit "caprice des dieux", vous pensez au fromage, naturellement... mais quand on vous parle de saumon des dieux, vous demeurez perplexe. Il s'agit en effet d'un poisson, mais pas celui auquel vous pensiez ! La première fois que j'en ai vu un, c'était au début du mois d'août, au port de Sanary. Il trônait au milieu des thons rouges, des espadons et d'un requin peau bleue capturés au large par l'un des pêcheurs professionnels. Un des marins, après avoir découpé la peau du dos, commençait à débiter le poisson divin et en tira des morceaux de choix d'une belle couleur saumonée.

Chair saumonée du lampris royal

Le patron pêcheur me dit avoir capturé cette année, en surface, deux saumons des dieux qui pesaient entre 40 et 50 kg, et aussi un l'an passé. Ces prises sont exceptionnelles car le lampris royal (Lampris guttatus) ou lampris lune, appelé également opah, est un poisson de grande taille des profondeurs. Ce poisson, qui peut atteindre deux mètres pour un poids de 270 kg, vit dans les grands fond marins jusqu'au-delà des 700 mètres (plus communément entre 100 et 400 mètres) dans les mers du Canada, de Floride et de Californie, d'Argentine, de Norvège, du Sénégal, de l'Angola, de la Réunion et des îles polynésiennes françaises. Cette espèce qui vit dans toutes les mers du monde, à une profondeur où la température est voisine de 13°c, se serait introduit en Méditerranée par le Détroit de Gibraltar. C'est donc un poisson qui consomme dans les grands fonds des céphalopodes et crustacés, mais qui n'hésite pas à remonter à la surface pour se nourrir des poissons vivant en bancs comme les sardines et anchois.

Les pêcheurs d'opahs dans toutes les mers du globe (photos du Net)

Malgré sa rareté, il a déjà été fait état de captures de saumons des dieux dans notre département. Un en décembre 1997 au large de Bandol, un autre de 45 kg pêché le 27 février 2008 entre Bagaud et l'île de Porquerolles et le 18 juin de la même année, un autre de 40 kg au large de Toulon, immortalisé par une vidéo circulant sur le Net. En mai 2009, un plaisancier photographiait un lampris royal qui s'était introduit dans le port de l'île Saint-Honnorat. D'ailleurs le journal Nice Matin titrait "un saumon des dieux mangeur de méduses au large de Cannes". Le rédacteur avait fait la confusion avec l'alimentation d'un autre poisson de grande taille, la môle ou poisson lune (Mola mola) qui se nourrit essentiellement de méduses. Et le rédacteur d'ajouter : "en dix ans, 23 spécimens ont été recensés ou capturés sur les côtes françaises". 

Je ne pense pas que la présence des lampris royaux en Méditerranée soit due au réchauffement climatique, puisque déjà en 1829, deux saumons des dieux avaient été pêchés en Provence. L'un pris à la fin du mois de mai dans la rade de Toulon, lequel était entièrement inconnu des pêcheurs et des habitants, et l'autre vers le milieu de juillet, un peu moins grand et également nouveau pour les pêcheurs, qui a été recueilli et préparé par M. Polydore ROUX, conservateur du Musée de Marseille (source : migrantterrien.over-blog.com).

Le saumon des dieux dans toute sa splendeur

Le corps du saumon des dieux est comprimé latéralement, avec des teintes bleues et rouges brillantes et des taches métalliques. Toutes ses nageoires sont de couleur rouge à rouge-orangé. Sur le Net, vous trouverez de nombreuses recettes polynésiennes, car le saumon des dieux est un met fin et délicieux qui, à Tahiti, est accommodé avec une sauce vanille, après un tourne-retourne en poêle beurrée ou huilée.

Sur les étals des poissonniers, du fait de sa rareté et de la qualité de sa chair, le saumon des dieux sera d'un prix plus élevé que celui des thons rouges ou des espadons. Dernier détail : comme les pélagiques, la chair du saumon des dieux peut contenir des résidus de mercure, c'est pourquoi la DASS de Nouvelle-Calédonie où ce poisson est largement consommé, déconseille aux populations sensibles (femmes enceintes ou désireuses de le devenir, et enfants de moins de 30 mois) de ne pas en consommer... En conclusion, je dirai que pour le commun des mortels, ce divin poisson est à consommer avec modération !

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