vendredi 1 juillet 2022

Les insectes des Ombellifères

Les Ombellifères poussent en bordure des chemins et vous passez à côté de ces plantes aériennes aux inflorescences blanches sans vous doutez de l'intérêt que lui portent ses hôtes. Ces plantes, aussi appelées Apiacées, font partie de la famille des dicotylédones dont la principale caractéristique consiste en la disposition des fleurs en ombelles... leur donnant l'aspect d'un parasol.

Plusieurs de ces espèces réparties dans les régions tempérées du monde sont des légumes ou donnent des condiments appréciés tels que carotte, persil, céleri, anis, fenouil. Seules quelques unes sont toxiques comme les Cigües, l'Oenanthe safranée et le Cerfeuil des fous.

Au cap Nègre, ces plantes poussent à flanc de coteau. Leurs inflorescences sont blanches ou rosées. La fleur centrale stérile des ombelles, d'un pourpre plus ou moins foncé selon les espèces, servirait à retenir l'attention des insectes pollinisateurs et les inviter à venir se poser sur ce grand tapis de fleurs blanches.

Vu de dessous, l'ombellifère montre ses tiges qui ne sont pas sans rappeler les baleines des parasols.

De dessus elle arbore un magnifique parasol sur lequel il suffit de se pencher pour tenter d'apercevoir à l'oeil nu un insecte, généralement d'une taille comprise entre 8 et 12 mm, aller par ci et par là, agitant ses longues antennes à la recherche de je ne sais quoi.

Parfois surgit un autre congénère, qui semble communiquer avec le précédent, puis qui s'en va... le temps nécessaire pour enregistrer à la volée quelques photos sur la carte mémoire de mon appareil photo numérique.

Ces deux insectes qui communiquaient entre eux au moyen de leurs antennes sont des Oedemera barbara mâles, reconnaissables aux épais fémurs des pattes postérieures. Ils côtoient des mouches floricoles du genre Taxigramma, des Mordella noires à l'abdomen pointu, des Danacea aux tarses noirs ou encore des Bruchidius villosus grisâtres pas plus grands que 3 mm.

Penchons-nous sur une autre Apiacée sur laquelle se déplacent de minuscules acariens appelés communément Araignées rouges. A côté d'elles, une mouche floricole de 2 mm, vraisemblablement une Oscinella, semble indifférente au comportement des Danacea nigritarsis, des Bruchidius villosus et des Dasytes aeratus noirs et velus qui évoluent autour d'elle.

Sur l'ombellifère voisine s'agitent deux gros insectes qui attirent mon attention : l'un est un Oedemera nobilis femelle, d'un vert brillant ; l'autre est une petite guêpe appelée Hylaeus variegatus. Tous deux mesurent entre 8 et 10 mm et évoluent près d'un petit coléoptère noir et d'un petit diptère également noir, porteur de longues antennes, avec un abdomen jaune, et qui pourrait bien être une Sciara.

Sur une autre Apiacée s'est posée une femelle de Chlorophorus sartor au corps noir et aux ailes ornées de figures géométriques blanches... aussitôt couverte par un mâle ! Le remue-ménage que fait le couple ne paraît pas opportuner les hôtes minuscules qu'on a vu précédemment et qui sont des Mordella, des Danacea nigritarsis et des Bruchidius villosus.

Il y a des ombellifères sur lesquelles il faut s'approcher de très près pour remarquer une quelconque activité, notamment quand leurs hôtes sont de petite taille. C'est le cas pour les Mordellas, les Dasytes aeratus, les Bruchidius villosus nectarivores et pour les Danacea nigritarsis déjà cités qui n'hésitent pas à se nourrir des dépouilles des coléoptères précédents !

L'atterrissage tonitruant d'un "géant", en l'occurrence un Oedemera flavipes mâle aux fémurs des pattes postérieures enflés, sème la panique dans la population de Bruchidius villosus et de Danacea nigritarsis dont certains en train de s'accoupler...

Un autre grand coléoptère longicorne noir et blanc - un Chlorophorus sartor - vient de se poser lourdement sur le tapis d'inflorescences blanches, faisant fuir une Mordella et deux Danacea nigritarsis à la couleur du corps différente, brun orangé pour le plus gros et gris pour le plus petit.

Là on passe à une autre portion d'ombellifère où il n'y a que du lourd : deux coléoptères, à gauche un Oedemera flavipes femelle, et en haut un Stenopterus ater mâle ; et en bas, à droite, un diptère mâle de l'espèce Stomorhina lunata dont les larves se développent spécifiquement sur les pontes de criquets.

Alors que je faisais la mise au point sur une Modella et une fourmi noire aux pattes rousses, est venue se poser une petite guêpe noire aux pattes jaunes et à l'abdomen strié de bandes jaunes. C'est une Lestica clypeata, espèce assez rare dont la particularité chez le mâle est d'avoir une tête en forme de clou !

Quelques mètres plus loin, en remontant le coteau en direction de la batterie du cap Nègre, deux coléoptères longicornes rouges et noirs s'étaient posés sur une Apiacée. Ce sont des Leptura cordigera, connus sous le nom vernaculaire de Leptures porte-coeur. L'un d'entre eux avait malencontreusement perdu une antenne...

Non loin de là, sur une autre ombellifère, un couple de Stenopterus ater tourne en rond. A droite la femelle, toute de noir vêtue, et à gauche le mâle, plus grand, plus coloré, avec des antennes plus longues aussi. Quand on sait que le mâle atteint 12 mm et la femelle 8 mm, on n'ose calculer la taille de la dizaine d'acariens rouges qui avaient élu domicile sur les inflorescences de l'ombellifère.

Sur une Apiacée où cohabitaient Mordella, Danacea nigritarsis et acariens rouges, se sont posés - pour copuler sans complexe - deux Chlorophorus sartor chez qui il n'existe pas de dimorphisme sexuel tel qu'observé chez les coléoptères précédents.

Dans une zone ombragée, une ombellifère en bourgeons a vu se poser un petit criquet pansu de couleur ocre. C'est un Pezotettix giornae qui a des ailes réduites et un imposant abdomen. Autant dire que ce petit Orthoptère, incapable de voler, se déplace par petits sauts.

Préoccupé à surveiller la progression par petits bonds du criquet pansu, j'allais passer à côté d'une grande punaise au corps allongé, de couleur rouge-brun, avec des pattes à dominance jaune. Cette étrange punaise aux épaules pointues fait partie de la famille des Coreidae et a pour nom scientifique Gonocerus insidiator.

Les ombellifères exposées en plein soleil et qui ont défleuri attirent cependant d'autres insectes tels les punaises pentatomes et notamment des Graphosomes venus s'y poser pour procréer. Connus sous le nom de punaises arlequin, ce sont principalement des Graphosoma italicum et des Graphosoma semipunctatum. Toutes les deux sont rouges avec des bandes noires. Ces stries sont continues sur la première espèce et discontinues au niveau du thorax sur la seconde, ce qui permet de les différencier au premier coup d'oeil.

Sur une ombellifère en pleine floraison est venu se poser un petit insecte gracile au corps noir. Son abdomen cerclé de deux bandes rouges se termine par une longue queue à l'extrémité blanche. Ne vous fiez pas aux apparences car cette guêpe redoutable, du nom de Gasteruption assectator, parasite les guêpes solitaires et les guêpes maçonnes ! Sa longue queue n'est en fait qu'un ovipositeur avec lequel elle (car il s'agit d'une femelle) ira pondre ses oeufs dans les nids des guêpes parasitées.

Comme nous venons de le voir, c'est tout un petit monde qui s'agite sur et sous les inflorescences des ombellifères, en toute insouciance et au mépris du danger qui pourtant les guette. Les petits coléoptères sont la proie de plus gros insectes tels les guêpes et les mouches à toison, mais aussi des Arachnides comme cette araignée rougeâtre, vraisemblablement une tégénaire, qui a capturé un petit insecte et qui, pattes écartées, attend patiemment qu'un des deux Dasytes aeratus passe à proximité pour s'en emparer.

Telle est la loi de la nature, même dans ce microcosme constitué de petits insectes vivant sur une fleur des champs anodine, au bord d'un sentier de randonnée, dans l'indifférence des promeneurs qui n'imaginent même pas qu'il puisse exister autour d'eux un monde grouillant et plein de vie...

Photos : RHP Collection

Sources : Insectes de Coudoulière

2 commentaires:

  1. Très bonne documentation et autant pour les photos.

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  2. Un grand merci pour cet article qui ravira ceux et celles qui s'intéressent aux insectes et à la photographie animalière en général.

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