jeudi 12 novembre 2020

les punaises diaboliques

Elles ont passé l'hiver bien au chaud chez vous et depuis le mois d'avril, vous les voyez ressurgir sur vos murs. Le printemps a signé leur grand réveil coïncidant avec le début de la période des amours qui se poursuivra tout l'été. Dans les années qui vont suivre, à la faveur d'une météo particulièrement clémente, on peut s'attendre à une vraie explosion de ces punaises invasives exogènes. Depuis cet été, dans le Var, et plus précisément au quartier de la Coudoulière, à Six-fours-les-plages, on commence à les apercevoir ci et là. 

Sur 10 punaises observées ces trois derniers mois, 5 étaient des punaises américaines du pin (Leptoglossus occidentalis), 3 des punaises diaboliques de Chine (Halyomorpha halys) et 2 des violes rouges autochtones (Spilostethus pandurus).

La période de reproduction des punaises diaboliques peut s'étendre sur toute la durée estivale, les imagos (adultes) pouvant vivre de quelques mois à un an. Les femelles peuvent pondre jusqu'à 6 fois par an, à raison de 20 à 30 œufs par ponte qui seront déposés à l'abri sous les feuilles.

Reconnaissables à leur carapace marbrée d'un brun rougeâtre, les punaises diaboliques ou asiatiques, car originaires de Chine, sont apparues en Europe en 2004. Elles seraient probablement arrivées en Suisse, cachées dans du matériel pour jardins orientaux. Depuis il en arrive continuellement en Europe.
Pas besoin de plantes hôtes car elles voyagent très bien cachées dans les containers maritimes ou ferroviaires en provenance d'Asie. Via l'application AGIIR, on a pu identifier des cas de punaises diaboliques à Strasbourg, à Bordeaux et surtout à Paris, et récemment à Lille, en Corse et en Haute-Savoie.

La punaise diabolique n'est pas dangereuse pour l'homme, mais elle représente une vraie menace pour certaines cultures. Aux Etats-Unis, où la punaise marbrée (autre nom vernaculaire de la punaise asiatique) est présente depuis les années 1990, elle provoque de gros dégâts malgré la lutte chimique traditionnelle qui se révèle inefficace. Le Canada est aussi confronté à ce fléau. En Europe, c'est l'Italie qui a été le plus durement touchée.

Cette punaise polyphage attaque volontiers les fruits tels que pommes, poires, pêches, prunes, abricots, cerises, citrons, aussi les kiwis et même les noisettes. Elle pique les fruits et les branches pour se nourrir de leur sève, entraînant un pourrissement du fruit quelques jours après son passage. Les légumes tels que poivrons, haricots, pois, asperges, concombres, font aussi partie de son alimentation, tout comme les espèces végétales issues des grandes cultures (soja, maïs, tournesol).

Le fait qu'elle colonise plusieurs cultures différentes, il est donc difficile de la cibler. C'est peut-être la raison qui lui a valu ce surnom, car physiquement l'imago n'a rien de démoniaque. Par contre sa larve, hérissée de piquants, pourrait expliquer son nom vernaculaire.

Comment reconnaître la punaise diabolique ?

Avec un corps en forme de bouclier coloré de plusieurs teintes de brun, elle mesure entre 12 et 17 mm et présente des taches blanches sur le bout du corps. Elle ressemble assez à ses cousines autochtones, notamment à la punaise nébuleuse courante dans nos contrées. Quelques indices permettent toutefois de les différencier.

A ma gauche la punaise nébuleuse (Rhaphigaster nebulosa) et ma droite la punaise diabolique (Halyomorpha halys).

A l'état larvaire, la punaise nébuleuse est massive, avec une forme arrondie, sans aspérités, contrastant avec le corps de la punaise diabolique hérissée de piquants.

Vu de dessus, les imagos ont approximativement la même taille, mais la carapace de la punaise diabolique est plus brune que sa voisine qui est de couleur grise avec des ailes membraneuses ponctuées de points noirs.

Observez bien les antennes : la punaise européenne a trois anneaux blancs distincts à intervalles réguliers. La punaise diabolique ne présente que deux marques blanches sur les antennes, l’une de ces tâches chevauchant l’articulation de l’antenne.

En la retournant vous pourrez noter une différence fondamentale : l’espèce autochtone possède une aiguille abdominale que n’a pas son homologue exogène.

Autre indice comportemental : la punaise asiatique, étant très grégaire, vit toujours en groupe et aurait tendance à se regrouper dans un même endroit, sur une même plante ou une même branche. 

Si vous écrasiez du pied une punaise diabolique, vous ne sentirez aucune odeur nauséabonde comme celle émise par les glandes odoriférantes d'une autre punaise polyphage, la punaise verte puante (Nezara viridula).

En entrant en compétition avec les autres insectes hémiptères de la famille des Pentatomes, que ce soit pour la nourriture ou pour les sites d’hibernation, la punaise diabolique pourrait porter atteinte à la biodiversité.

Comme on l'a vu, le spectre des plantes hôtes de la punaise diabolique est très large, avec plus de 300 espèces végétales à l’échelle mondiale. Ce qui explique que la lutte contre la punaise diabolique s’avère très compliquée. Les raisons sont multiples : nombre élevé de plantes hôtes, capacité à changer d’espèces et absence de lutte chimique réellement efficace.

On ne connaît malheureusement pas pour le moment de prédateurs naturels suffisamment actifs pour contrôler Halyomorpha halys. L’espoir pourrait venir de la guêpe samouraï (Trissolcus japonicus), une guêpe asiatique minuscule de la taille d'un moucheron, de couleur noire, qui pond dans les œufs des punaises diaboliques, régulant ainsi leurs populations.

Mais avant d'introduire cette guêpe parasitoïde dans les pays envahis par la punaise diabolique, il faut avant tout étudier son impact sur les autres espèces locales... pour ne pas provoquer une autre invasion exogène !

Sources : reportages FR3 Grand Est ; Insectes de Coudoulière
Photos des punaises : RHP Collection
Photo de la guêpe samouraï : Growing Produce (USA)

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