Animal mystérieux, d'apparence quelque peu fantasmatique, avec son œil toujours vigilant, le poulpe a de tout temps fasciné les hommes qui lui ont attribué des pouvoirs surhumains. Pourtant cet octopode est un animal craintif qui ne sort de son trou que pour chasser, et qui peut prendre, par homochromie, la couleur du rocher sur lequel il s'est posé. C'est dire qu'il est difficile à repérer... un peu comme les rascasses qui par mimétisme se confondent avec leur environnement.
Céphalopode d'une grande intelligence, le poulpe possède huit tentacules munis de ventouses qui lui servent à s'accrocher aux rochers et à saisir ses proies.Celles-ci sont déchiquetées par deux mandibules cornées en forme de bec de perroquet situés entre les tentacules, avant d'être ingurgitées. Pour échapper à ses prédateurs, le poulpe envoie des jets d'une sorte d'encre noire qui désempare son agresseur pendant qu'il prend la fuite.
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Poulpe commun (Octopus vulgaris) |
La première fois que j'ai pêché un poulpe, j'avais une huitaine d'année. C'était dans l'atlantique sud, à marée basse. La méthode consistait à passer dans les flaques crevassées un bout de chiffon blanc noué à un long crochet. Si une "pieuvre" se tenait cachée là, elle déployait ses tentacules pour se saisir de cette proie inopinée. Il fallait alors être prompt pour glisser le crochet dans le trou et extirper le céphalopode dont les bras s'enroulaient autour du crochet, puis selon l'importance de l'animal, autour de votre main, puis de votre bras. Toujours aussi promptement, il fallait saisir la calotte du poulpe, décrocher les ventouses de votre bras et frapper l'animal contre les rochers pour le tuer. C'était une méthode barbare, j'en conviens, mais à l'époque c'était la seule façon connue pour occire l'animal et attendrir les chairs à raison d'une cinquantaine de frappes sur les rochers, de quoi se désarticuler l'épaule ! La chair étant devenue flasque, le poulpe pouvait enfin être cuisiné.
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En Méditerranée, où il n'y a pas de marée, la technique reste la même. Il suffit de promener, le long des digues d'un port, une poulprière qui est une planchette plombée munie de trois gros hameçons à hampe longue en 10/0, reliée à une drisse de 3 à 4 mm de diamètre (1). On peut y attacher une sardine pour mieux attirer les octopodes. Les habitués du port de la Coudoulière connaissent bien cette technique utilisée par les pêcheurs à pied locaux, laquelle est très efficace. On peut aussi utiliser cette technique en bateau, à condition d'éviter les zones rocheuses ou à trous, là où les risques de croche sont très importants. |
Autres méthodes, toujours à partir d'un bateau : la dandine avec un gros plomb, ou avec un chapelet de pots en terre cuite largués en mer et dans lesquels les poulpes iront se réfugier. Mais la méthode la plus efficace pour attraper le céphalopodes, c'est incontestablement la chasse sous-marine... à condition de pratiquer la pêche à trou et de bien observer les fonds marins avec lesquels les poulpes peuvent se confondre et passer inaperçus.
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Poulpes capturés en pêche sous-marine, en 1977 (photo de gauche) et 2002 (photo de droite) |
Reste la cuisson du poulpe, qui à mon avis est la plus délicate et qui peut toutefois différer selon la recette employée. Comme je l'ai déjà écrit, dans le temps, il fallait battre le poulpe pour attendrir ses chairs... mais ça c'était avant, pour parodier un célèbre lunetier ! Après avoir enlevé le contenu de la calotte, les yeux et le bec de perroquet de l'animal, on le cuisait dans récipient pendant un certain temps, en piquant avec une fourchette les chairs pour s'assurer de leur tendreté. Il fallait donc rester près des fourneaux et surveiller la cuisson. Dans l'eau de cuisson, certains mettent un ou plusieurs bouchons de liège dont les vertus sont censées attendrir les chairs. J'ai essayé : ça ne sert à rien !
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La cuisson du poulpe : avec ou sans bouchon ? |
En Espagne et en Italie, on pratique la triple immersion du poulpe dans l'eau bouillante. Ce cérémonial a seulement pour but de favoriser l'enroulement des tentacules sur eux-mêmes et permettre au poulpe d'être mieux immergé dans la casserole (2). Je ne parlerai pas de la cuisson des petits poulpes qui eux peuvent se déguster frits, mais de celle des gros individus, bien costauds. Après avoir nettoyé le poulpe (voir § précédent) et rincé à l'eau claire, on le met dans un sachet de congélation et on le laisse 48 heures au congélateur. Il faut savoir qu'un céphalopode est composé pour moitié de chair et d'eau. Pendant la congélation, les molécules d'eau vont gonfler et casser les fibres des chairs, ce qui rend inutile le battage du poulpe. Le retirer du congélateur et le laisser décongeler lentement et entièrement au réfrigérateur.
Ensuite mettre dans un autocuiseur le poulpe recouvert d'eau et faire cuire. Dès que les premières vapeurs s'échappent, actionnant le tourniquet, éteindre le feu.
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Congélation du poulpe et cuisson en cocotte-minute |
Au bout de dix minutes, vous pouvez retirer le poulpe de l'autocuiseur et le débarrasser des ventouses et lambeaux de peau, en faisant attention de ne pas vous brûler les doigts. Il ne vous restera plus qu'à le découper en tronçons et le préparer. Vous trouverez plusieurs recettes sur le Net. Je vous en propose une toute simple, rafraîchissante en été : celle du "
poulpe en vinaigrette", à déguster en entrée ou à l'apéritif.
Bon appétit et à bientôt pour d'autres articles sur les céphalopodes.
Sources :
(1) WAS, le cabanon des pêcheurs
(2) La cuisine de Christophe Certain
Photographies : RHP Collection
Bonjour.
RépondreSupprimerVu la recette du poulpe en salade : c'est délicieux, aussi en daube.
La légende provençale que les pêcheurs racontaient aux belles touristes :
"Le poulpe vous le mettez à cuire avec un beau galet de la plage de la Coudou...
Quand le galet est mou, c'est que le poulpe est cuit" !
@micalement.
Il va y avoir un moratoire interdisant la p^che du poulpe l'été au vu de sa diminution.
RépondreSupprimerIl va y avoir un moratoire interdisant la p^che du poulpe l'été au vu de sa diminution.
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