dimanche 20 août 2017

excursion dans le monde sous-marin

Observer les poissons dans leur milieu naturel, sans équipement lourd, avec tout simplement un masque et un tuba (1), depuis la surface de l'eau, oui, c'est possible !

Nageuses avec masques Easybreath Subea de Decathlon
Rendez-vous donc à Six-fours-les-plages, à la plage de la Coudoulière, devant le restaurant TAO, et mêlez-vous aux nombreux baigneurs venus profiter des joies du soleil et de la mer.

Partie de la plage de la Coudoulière face au restaurant TAO
La photo satellitaire ci-dessous montre l'étendue de ce spot délimité par des lignes jaunes figurant les bouées cordées. A gauche de la photo se trouve le port de la Coudoulière et à droite le premier épi. Les zones en vert émeraude représentent le sable, et celles en vert foncé le sable recouvert de débris de posidonies mortes.

Le spot vu par Google Earth
Chaussez masque et tuba, puis commencez à nager vers le large, en direction des bouées jaunes délimitant la zone de surveillance. Très vite vous allez apercevoir des muges de fond (Liza aurata) rasant le sable à la recherche de petits organismes benthiques. Ils ne sont pas farouches et se laissent facilement approcher. Ainsi vous pourrez apercevoir leur dos grisâtre, leurs flancs argentés lorsqu'ils se retournent, ainsi que la tâche jaune sur leurs opercules.

Muges de fond
Non loin des muges se tiennent des sars plus ou moins isolés venus grappiller de la nourriture éparpillées par les mulets dorés. Ce sont des sars communs (Diplodus sargus sargus) qu'on reconnait à la tache sombre en forme de selle sur le pédoncule caudal, à leurs opercules bordés de noir et à leur coloration gris argent. La robe des sars communs de Méditerranée varient selon le biotope où ils se trouvent : très claire sur le sable, ou avec des rayures bien marquées dans les zones rocheuses.

Sar commun
Autour de ces poissons gravitent des daurades royales (Sparus aurata) à la forme plus allongée que le sar et reconnaissables à la barre dorée qu'elles portent sur le front. Leur livrée est gris argent pouvant virer sur le blanc chez les jeunes individus qu'on appelle alors blanquettes. Elles vivent en petits groupes de 2 à 3 individus et elles aussi grappillent la nourriture éparpillée par les muges farfouillant le sable.

Daurade royale
D'autres poissons vivent aussi en bancs. Ce sont les marbrés (Lithognathus mormyrus). De forme plus allongée que les sars, ils s'en rapprochent par leur robe gris argenté rayée de bandes noires. Vous les verrez en position oblique, tête fouillant le sol et nageoire caudale vers le haut, car ce sont des poissons fouisseurs affectionnant les zones sableuses et sablo-vaseuses. Les jeunes individus vont même nager entre les pieds des baigneurs, profitant des remous occasionnés pour se nourrir et se saisir des proies découvertes

Marbré
Vous pourrez également apercevoir d'autres poissons qui farfouillent le sable : ce sont des rougets de roche appelés également surmulets (Mullus Surmuletus). Leur robe rayée couleur brun sable leur permettrait de bien se dissimuler aux yeux de leurs prédateurs, s'ils n'étaient sans cesse en action, tête dans le sable avec leurs deux barbillons. Ils fouissent le sol meuble à la recherche de petits vers et de crustacés dont ils se nourrissent, laissant après leur passage des cratères bien visibles sur le sable.

Rougets de roche
Nageons un peu plus loin, en limite des bouées, là où la profondeur est d'environ 4 mètres. Faites du bruit en tapant la surface de l'eau avec vos mains et vos pieds. Vous verrez arriver, nageant entre deux eaux, un banc d'oblades (Oblada melanura) qui tourneront autour de vous, à un mètre de distance. Vous pourrez admirer à loisir leur corps fuselé, de couleur argentée, et bien distinguer la tache noire cerclée de blanc qu'elles portent sur le pédoncule caudal.

Oblade
Peut-être auriez-vous la chance de voir aussi, mêlées aux oblades, d'autres sparidés aux reflets argentés et au corps strié de lignes longitudinales jaune vif allant de la tête à la nageoire caudale. Ce sont des saupes (Sarpa salpa) appelées également dorades dorées qui vivent généralement dans les herbiers de posidonies dont elles se nourrissent. 

Un petit conseil : emportez avec vous un sachet en plastique contenant du pain dur. Ramolli dans l'eau, il fera le festin des oblades et des saupes qui sont des poissons omnivores et qui viendront vous manger dans la main ! (2)

Vous serez alors en pleine immersion dans le monde du silence avec cette sensation de connivence entre ces sparidés et vous, surtout quand vous sentirez sur vos bras et vos joues les déplacements d'eau provoqués par leurs nageoires caudales. Un moment de pur bonheur !

Banc de saupes
Maintenant nagez en direction de l'épi le plus proche. Face aux rochers, le fond sableux est tapissé de posidonies mortes. Là se trouvent d'autres sparidés, de taille plus petite. Ce sont des sars à tête noire (Diplodus vulgaris) qui vivent en petits bancs. Leur corps est gris argenté, rayé de bandes jaunes dorées, avec une tête bleutée. Ils se distinguent des autres sars grâce à leurs deux grosses bandes noires, l'une devant les nageoires pectorales et l'autre à l'avant de la nageoire caudale.

Sar à tête noire
Si vous nagez le long de l'épi, vous apercevrez des saupes, des sars, mais surtout des poissons de roche tels que crénilabres et girelles. Avec un peu de chance, et en étant bon observateur, vous pourrez apercevoir une rascasse ou un poulpe, qui se confondent avec l'enrochement en utilisant des techniques de camouflage et de mimétisme pour se dissimuler de la vue des prédateurs.

Si vous êtes bon nageur, plongez et accrochez-vous à une roche profonde, puis observez un agachon. Avec un peu de chance, vous verrez arriver vers vous un loup (Dicentrarchus labrax). Vous le reconnaitrez à son corps fusiforme garni de petites écailles, argenté sur les côtés et gris argenté à bleuâtre sur le dos. Avec sa gueule de carnassier, vous le différencierez aisément du muge qui possède une tête plus arrondie et de grosses écailles.

Après vous avoir évalué, le loup fera demi-tour et partira vers le grand bleu d'où il est venu.

Loup
Il est temps de rentrer en nageant sur une zone profonde de 2 à 3 mètres. Observez bien le sol. Vous y verrez des empreintes de poissons plats. En les suivant, si elles sont récentes, vous tomberez à coup sûr sur le poisson les ayant laissées. Il peut s'agir d'une sole commune (Solea vulgaris) avec son corps ovale et plat, de couleur gris vert sur le dessus, avec des nageoires frangées se découpant sur le sable.

Sole commune
Ce peut être aussi un bothus (Bothus podas), plus petit mais plus large que la sole. Il s'en différencie aussi de celle-ci par des yeux très écartés l'un de l'autre. 

Bothus
Un autre habitant des fonds sableux, peu recommandable : la petite vive (Echiichthys vipera) qui vit partiellement enfouie sur le sable. C'est un poisson osseux, carnivore macrophage, d'environ 15 cm de long, au corps brun jaunâtre taché de ponctuations noires disposées en bandes transversales obliques. Ses opercules portent une longue épine venimeuse dirigée vers l'arrière, qui se hérisse en cas de danger (3)... donc n'allez pas la titiller !!!

Petite vive
Voilà, vous êtes maintenant arrivé(e) à votre point de départ. J'espère que cette courte incursion dans l'univers sous-marin vous aura enchanté(e), comme elle m'enchante à chaque fois que je fais une petite escapade dans ce monde toujours changeant des poissons de la Méditerranée.

Ah, petit détail qui a son importance. En cas de mistral ou de tramontane, différez votre sortie à cause des vagues et du fond de l'eau qui est remué, ôtant toute visibilité. Privilégiez un jour sans vent, ou par vent d'est, qui donnera à l'eau de mer l'aspect d'un lac calme aux eaux limpides, indispensable à la bonne observation des poissons de ce spot que très peu connaissent.

Renvois :
(1) vous avez le choix entre un masque et un tuba, peu onéreux, ou un masque intégral à vision panoramique, un peu plus cher mais idéal pour la pratique du snorkeling (plongée en apnée). Seul inconvénient de ce masque intégral : il ne permet pas de descendre à plus de 2 mètres de profondeur à cause de la pression de l'eau agissant sur les tympans. Avantage non négligeable : un accessoire permet de fixer sur la partie frontale du masque une mini-caméra étanche de type GoPro Hero pour immortaliser vos films sous-marins. Quant au masque mono ou bi-hublot, son grand avantage c'est qu'on peut, en pinçant le nez, réaliser la manœuvre de Valsalva qui empêchera la pression hydrostatique de blesser les tympans de l'apnéiste et lui permettra une plongée plus profonde.
(2) un jour, une saupe affamée m'a mordu l'index qui tenait un bout de pain. Une morsure toutefois sans gravité quand on sait que les incisives des saupes, très serrées, leur permettent de découper facilement les feuilles de posidonies.
(3) dotée de venin, la piqûre de l'épine dorsale de la petite vive peut être douloureuse pendant plusieurs semaines.

Illustrations : photos du Net.

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