vendredi 24 janvier 2014

Les mantecados

Je me rappelle qu'étant enfant, ma mère confectionnait à l'occasion des fêtes de fin d'année des mantecados, succulents gâteaux sablés dont mon frère et moi raffolions. Avant de vous donner la recette de ces gâteaux, il serait intéressant d'en découvrir les origines car des polémiques divisent les historiens sur la ville, en Espagne bien sûr, où auraient été créés les premiers mantecados.

Estepa et Antequera, les capitales du mantecado andalou
Un peu d'histoire : Certains affirment que les mantecados viennent d’Antequera, et d’autres qu'ils viennent d'Estepa. Les uns se basent sur une fresque très ancienne, faisant clairement référence aux mantecados, trouvée à Antequera, ville où des ateliers de fabrication fournissaient à l'époque la Maison royale espagnole. Les autres disent qu'Estepa, ayant été le berceau du mantecado, en est devenue naturellement la capitale mondiale, chiffres à l'appui, avec une production annuelle de 20 millions de kilos soit plus de 40% de la production nationale, qu'elle soit de fabrication artisanale ou industrielle.

Mes aïeux maternels vivaient à Colmenar de Malaga, village andalou situé, par la route, à 37 km d'Antequera et 83 km d'Estepa, et on aurait pu penser que ma mère avait hérité d'une recette familiale traditionnelle transmise de mère en fille. Il n'en est rien. La recette des mantecados lui a été fournie par ma tante Francisca, excellente cuisinière, qui l'avait reçue de sa mère... née dans la province d'Alicante ! C'est dire combien cette recette est populaire dans toute l'Espagne.

Musée du Mantecado à Estepa

Origines : A l'origine ce biscuit incorporait dans ses ingrédients du saindoux car au XVIe siècle, les céréales étaient abondantes et les porcs paissaient librement dans les chênaies d'Andalousie (1). Le mot "manteca" (matière grasse) d'où ont été tirés les noms de mantecao ou mantecado provient du mot espagnol "manteca de cerdo" (saindoux) en opposition à "manteca de leche" (beurre laitier). Les andalous, lorsqu'ils parlent, ont tendance à manger la fin des mots, ce qui donne phonétiquement "mantecao" au lieu de "mantecado"...

Les mantecados ne devinrent vraiment populaires qu'à la fin du XIXe siècle (2). Actuellement, entrent dans la fabrication de ces biscuits : la farine qui provient toujours des monts de Malaga, le saindoux qui vient de la province de Salamanque (3), le citron produit dans la région de Murcie, et la cannelle acheminée depuis le Sri Lanka. La recette a été reprise par les musulmans qui remplacèrent les matières grasses animales par de l’huile d’arachide, et baptisèrent ces gâteaux sablés du nom de "ghribias". Finalement, de nos jours, même en Espagne, cette recette à base d’huile d’arachide s’est popularisée en conservant le nom de mantecado ou mantecao. C'est donc cette dernière recette que je vous propose de découvrir, plus digeste que la recette originale au saindoux, et susceptible de ne pas provoquer d'élévation notable du mauvais cholestérol dans le sang.

Les mantecados des internautes
La recette pour 2 plaques de 16, soit 32 mantecados

Ingrédients : un demi-litre d’huile d’arachide ; 1 kg de farine type 55 ; 400 grammes de sucre en poudre ; 1 sachet de sucre vanillé ; 2 pelures de citron non traité râpé ; cannelle en poudre ; 1 pincée de sel fin.

Préparation : Verser l’huile dans un saladier, puis le sucre, la pincée de sel fin, le sucre vanillé et la râpure de citron. Bien délayer le tout, puis incorporer la farine tout en malaxant la pâte.
Dès qu’elle est bien ferme, faire des boulettes légèrement aplaties.
Disposer les sur une plaque (non huilée, non farinée) que vous enfournez.
Pour un four électrique traditionnel, régler le thermostat sur 110 degrés.
Pour un Polyfour : réglage sur 150 degrés, position Pâtisseries, durée 25 minutes.
Dès que les mantecados commencent à craqueler, sortir la plaque du four.
Important : ceux-ci finiront de cuire à la chaleur de la plaque.
Les saupoudrer généreusement de cannelle. Laisser refroidir à même la plaque.
Conseil : Les retirer de la plaque quand ils seront froids et auront naturellement durci, sinon ils s'effriteront.

Mes mantecaos
Les artisans pâtissiers andalous ont diversifié leur production et proposent de nos jours des mantecados enrobés de chocolat ou de sucre glacé, des mantecados à la noix de coco, aux amandes ou couronnés de sésame. Et maintenant que la culture de l'olivier a pris une place prépondérante en Andalousie, les fabriques proposent aussi des mantecados à la pure huile d'olive vierge, en remplacement du saindoux.
 
Aux gourmands qui auront expérimenté ma recette des mantecaos, je souhaite une bonne dégustation... à savourer avec modération, surtout si vous surveillez votre ligne !


(1) Au XVIIIe siècle, les arbres disparurent, détruits par les armées napoléoniennes pour arrêter les guérilleros qui s'y cachaient. Les porcheries disparurent. Dans les plaines, les céréales furent cultivées, et les coteaux plus tard plantés d'oliviers.
(2) C'est en 1870 que Micaela Ruiz Téllez, appelée familièrement "La Colchona", décida son mari, transporteur entre Estepa et Cordoue, de vendre sur les marchés où il se rendait, ses biscuits faits "maison". Mais le succès des mantecados de Micaela résidait dans le fait qu'elle les faisait sécher, rendant polvorones et mantecados propices au transport et au stockage sans ne rien perdre à leur qualité.
(3) La province de Salamanque, située au coeur de la Castille, est connue pour ses cultures intensives et son élevage porcin. Les porcs qui côtoient les bovins dans les pâturages se nourrissent exclusivement de glands, donnant au jambon de Salamanque un goût spécial.

Images : RHP Collection

1 commentaire:

  1. Cette année j'ai confectionné des mantécaos en remplaçant l'huile d'arachide, laquelle contient 23g/100 d'acides gras saturés, par de l'huile de noix, plus riche en oméga-3 et comportant moins d'acides gras saturés (9,1 g/100). Au niveau gustatif, l'huile de noix, à condition qu'elle soit pure ou vierge, apportera une touche finale de fruits secs. Niveau santé, c'en est que mieux !

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