mardi 1 novembre 2016

Pêche profonde à la dorade rose

Il existe plusieurs espèces de dorades en Méditerranée : la dorade grise (Spondyliosoma cantharus), la daurade royale (Sparus aurata) et la dorade rose (Pagellus bogaraveo). Je vous ferai grâce de l'appellation "dorade dorée", terme employé par certains poissonniers pour valoriser la saupe (Sarpa salpa).

Etymologiquement, le terme dorade viendrait de l'espagnol dorada qui signifie dorée, et celui de daurade du mot provençal daurada qui signifie la même chose. Cependant l'écriture de ce dernier mot ne serait utilisée que pour désigner la daurade royale. Ceci étant dit, nous allons nous intéresser à la dorade rose, appelée aussi "beaux yeux" en raison de la grandeur de ses yeux, poisson qu'il ne faut pas confondre, pour les jeunes individus, avec le pageot acarné (Pagellus acarne) au corps plus allongé et sans tâche noire à l'origine de la ligne latérale.


En ce jour de Toussaint 2016, Bernard, notre capitaine, nous avait convié, Alain et moi, à une partie de pêche au large des Embiez. Rendez-vous à 7 heures du matin au port de la Coudoulière, à Six-fours-les-plages. Une demi-heure après, nous arrivâmes sur le premier poste. Le sondeur indiquait -170 m.

Pêcher au delà des 100 mètres de profondeur nécessite un matériel approprié. A commencer avec le fil qui ne doit pas être un mono-filament en nylon. A cause de son élasticité et de la longueur déployée, il ne favorise pas la perception des attaques de l'appât. Monté sur un moulinet électrique, il risque de casser en raison de l'échauffement. Le choix portera donc sur une tresse répondant aux préconisations exigées pour la pêche profonde : finesse, calibrage, résistance et qualité de glisse.


Une canne 20 à 50 lbs de longueur inférieure à 2,00 m pour une meilleure légèreté et maniabilité est souhaitée. Un moulinet avec bobine de grande capacité (400 m de fil 35/100 ou plus) permettant une grande récupération (plus d'un mètre par tour de manivelle) s'impose pour ce type de pêche.

Un moulinet électrique capable d'emmagasiner 400 à 500 m de tresse est largement suffisant pour la dorade rose. D'un poids largement inférieur au kilogramme, ce type de moulinet, couplé à un booster de 800 watts, permet une pratique agréable de la pêche profonde.


Le bas de ligne doté de 3 hameçons est lesté par un plomb terminal. Un plomb de 600 g (1 kg pour le moulinet électrique) est suffisant en fonction de la profondeur et de la dérive. Certains  préféreront un montage 100 % fluorocarbone, avec 3 hameçons circle-hook montés sur potences. Ce montage fonctionne très bien à très grande profondeur car le poisson se ferrera tout seul en mettant en tension le bas de ligne et le corps de montage relié au plomb. Quant à nous, nous avions opté pour des hameçons nickelés noirs à palette, de taille 1, légèrement renversés, de façon à ferrer les poissons dès la moindre touche, ce qui requiert une attention soutenue tout en conservant les sensations d'une pêche au toucher.


L'appât le plus efficace se révèle être la sardine, qu'elle soit accrochée à l'hameçon entière, coupée en deux ou en filets. D'autres préféreront la crevette ou les soupions, ou mieux un panachage des trois appâts !

Il faut savoir qu'au delà de 100 m, la lumière ne passe plus. Il y règne une obscurité totale, et seule une lampe stroboscopique, utilisée par certains pêcheurs, permet d'éclairer les appâts et attirer les poissons de manière significative.


Les deux porte-cannes disposées de part et d'autre du bateau embarquaient, l'une, une canne avec moulinet électrique couplé au booster avec bas de ligne plombé à 1 kg, l'autre, une canne avec un moulinet de grande capacité et une ligne plombée à 600 grammes. Sur les deux cannes, quelques touches perceptibles qui se traduisirent par des doublés de dorades roses et de pageots communs (Pagellus erythrinus).

Pêcher au moulinet électrique demande une grande attention en fin de course car il faut prendre le relai mécaniquement dès les derniers 20 mètres afin de maintenir une tension constante, sinon il peut arriver que les poissons décrochent. Lors d'une remontée au moyen du moulinet électrique, on constata que la canne était fortement ployée et que le moteur peinait. Un gros poisson avait été pris, mais arrivée aux derniers 40 mètres, la canne reprit une forme moins courbée et le moteur se remit à ronronner normalement. Le bas de ligne remonté, on vit que le câble portant l'hameçon du milieu avait été sectionné.


Tous les poissons remontés sur le bateau furent dûment identifiés et mesurés. Ceux qui dépassaient la maille ont été conservés et la partie inférieure de leur caudale coupée. Les autres furent relâchés. A ce sujet il y a une contradiction sur le maillage. En Méditerranée, Mer du Nord, Manche et Atlantique, la taille maximale des dorades est de 23 cm, sauf pour la dorade rose de Méditerranée dont la maille a été portée à 33 cm. Paradoxalement, elle échappe au marquage par ablation de la partie inférieure de la caudale.


Sur le coup de 10 heures on mit le cap sur le second poste, là où le sondeur indiquait -260 m. Lorsque les plombs touchèrent le fond, le compteur du moulinet électrique affichait 400 m. Ce n'était pas étonnant car le bateau dérivait sous l'action conjuguée des courants et du vent, car ce matin-là soufflait une brise d'environ 5 nœuds qui nous emmenait vers l'île de Riou. Bernard, après avoir consulté l'ordinateur de bord, nous dit qu'on avait dérivé de 300 m.


Mentalement je me représentais un triangle rectangle dont les deux côtés de l'angle droit étaient la profondeur et la dérive, et l'hypoténuse la longueur du fil déployé.... valeurs confirmées par le théorème de Pythagore !!!

Ce fut à mon tour d'utiliser la canne au moulinet classique. De temps en temps, je levais puis l'abaissais la canne afin de monter et refaire tomber le plomb sur le fond, lâchais du mou jusqu'à ce que le fil soit tendu, puis renouvelais l'opération. A défaut de luminosité, je pensais que le bruit du plomb tombant sur le fond, associé à l'odeur de la sardine, attirerait davantage les poissons. Cette technique s'avéra payante puisque je vis le pointe de la canne donner des à-coups. A la troisième tirée, je ferrais d'un mouvement ample et moulinais sans relâche, appliquant les consignes du capitaine. Le poisson au bout de la ligne était si combattif qu'après 200 mètres de remontée, des douleurs au niveau du tendon des muscles
épicondyliens du bras droit (celui qui tenait la canne) se firent ressentir. A ma demande, Alain prit aussitôt le relai et ramena le poisson à la surface. A l'aide du salabre, on put ramener sur le pont du bateau une magnifique dorade rose qui afficha un poids de 2,5 kg pour une longueur de 50 cm.

Au cours de cette partie de pêche, Bernard réalisa un triplé : une dorade rose, un pageot commun et un petit sébaste-chèvre (Helicolenus dactylopterus) qu'il remit à l'eau. Il ramena aussi une petite roussette (Scyliorhinus canicula), ce qui laisse supposer qu'une variété insoupçonnable de poissons habite les grands fonds, là où la lumière du soleil ne peut pénétrer, dans un monde étrange peuplé de créatures incroyables...

Crédit photos : RHP Collection.

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