samedi 24 janvier 2015

Les ouvriers des tuileries

Le but de cet article est de recenser au fil du temps les travailleurs de l'argile ayant habité le quartier de la Coudoulière. Si ce quartier est de nos jours densifié, il n'en fut pas de même à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, ce que nous allons démontrer par l'étude de divers recensements de population.

Recensement de 1896

Il y avait 18 maisons à la Coudoulière dont 13 étaient habitées et 5 occupées par des tuiliers :
- 1) ROS Joseph, tuilier, 33 ans ; COPPOLA Antoinette, 23 ans, son épouse ; Marie-Rose, 5 ans, leur fille.
- 2) DECUGIS Magloire, propriétaire, 80 ans ; MARTINENCQ Sophie, son épouse, 73 ans. Ils logeaient DELONEAU François, 54 ans, leur neveu, tuilier, ainsi que 5 manœuvres italiens à la tuilerie : BONAVENTURE François, 28 ans ; GIORDANO Giordani, 29 ans ; LARIZO Giovanni, 23 ans ; ODDERO André, 29 ans et GIORDANO Baptistin, 25 ans.
- 3) MARTINENCQ Reine, propriétaire, 64 ans ; COUPINY Toussaint, 34 ans, tuilier, son fils ; COUPINY Héloïse, 39 ans, sa fille aînée ; COUPINY Virginie, 22 ans, sa fille cadette, ainsi que 2 manœuvres italiens à la tuilerie : ABBE Joachim, 22 ans et CORTOLA Louis, 23 ans.
- 4) MEIFFREN Philippine, propriétaire, 72 ans, veuve ; DECUGIS Baptistin, 36 ans, son fils, tuilier ; MICHEL Sophie, 27 ans, épouse de ce dernier; DECUGIS Adeline, 10 mois, leur fille.
- 5) ETIENNE Elie, 65 ans, retraité ; AUZET Pauline, 57 ans, sa femme ; ETIENNE Clairin, 32 ans, tuilier, leur fils ; ROSSY Thérèse, 30 ans, femme de ce dernier.

Recensement de 1901

Les 18 maisons étaient toutes habitées. C'est l'année où est édifiée l'usine des Tuileries Romain BOYER. C'est aussi l'année où on commença à recruter une main d'œuvre italienne, surtout piémontaise, habituée aux travaux rudes et physiquement éprouvants que désertent les français.

Il ne reste plus qu'un seul tuilier à la Coudoulière. MEIFFREN Philippine étant décédée, c'est son fils DECUGIS Baptistin, 41 ans, tuilier qui est chef de famille ; son épouse MICHEL Sophie a 32 ans, et leur fille DECUGIS Adeline, 6 ans.

Recensement de 1906

En 5 ans, le nombre de maisons à la Coudoulière a doublé car l'usine est en plein développement. 37 habitations réunissaient 153 personnes.
Voici les foyers dont le chef était tuilier :
-1)  BOTTY Aureste, 40 ans, natif de Marseille ; CHAVE Marie, 35 ans, son épouse ; BOTTY Thérèse, 2 ans, leur fille.
- 2) CAMUSSO Carlo, 29 ans, italien ; BELLYSIO Victor, 19 ans, italien, son ami, également tuilier.
- 3) VEGLIO Louis, 37 ans, italien ; ROUX Elisabeth, 30 ans, son épouse.
- 4) MASSARELLI Louis, 32 ans, italien ; FRANCHELLA Amabiline, 23 ans, son épouse.
- 5) pensionnaires italiens et tuiliers chez les CAVERNI : DELPHINO Pierre, 26 ans, PISSONE Barthélémy, 20 ans et GAVORTO Charles, 36 ans.
- 6) BOSCHI Mariani, 47 ans, italien ; BOSCHI Isola, 45 ans, son épouse ; BOSCHI Joseph, 18 ans, aussi tuilier, leur fils ainsi que 3 autres enfants mineurs.
- 7) D'ANGELO Hyacinthe, 38 ans, italien ; D'ANGELO Delphine, 28 ans, son épouse ; D'ANGELO Marcel, 4 ans, leur fils.
- 8) BACQUINI Hector, 38 ans, de Marseille ; PUGET Augustine, 34 ans, son épouse.
- 9) BETTI Gabriello, 36 ans, italien ; BRENDANI Ida, 34 ans, son épouse ; BETTI Louise, 5 ans et Catherine, 1 an, leurs filles.

Dans ce recensement, on constate qu'il y a beaucoup de journaliers, manœuvres et terrassiers italiens, et aussi des français qui exerçaient les métiers d'ajusteurs, maçons, forgerons, charretiers, camionneurs, cochers, chauffeurs, mécaniciens, jardiniers et fermiers.

Sont également recensés le directeur (LANATA Marius, né à Marseille), un ingénieur (BROHN Eugène, de Barr en Alsace), un chimiste (DIEULOUFET Etienne, de St-Elme), un comptable (MARC Grégoire, de Marseille) et un modeleur (DUFRENE Georges, d'Autun en Bourgogne) qui travaillaient dans les bureaux attenants à l'usine.

Recensement de 1911

Toujours 37 habitations, mais avec une population de 155 personnes (+2) par rapport au précédent recensement.

Les nouveaux tuiliers sont VAVIERE Félix, 19 ans, de Signes ; FREDIANI Léon, 25 ans, d'Italie ; CRAVERI Charles, 27 ans, d'origine italienne, venant des tuileries de Marseille St-Henri ; PELLIGRINI Fioranti, 36 ans, BANDINI Gino, 26 ans, PANATI Gustave, 22 ans et BOTTALLO Mario, 18 ans, tous quatre italiens.

Ont perdu leur statut de tuilier : CAMUSSO Carlo, 44 ans, italien qui est recensé comme journalier, nouvellement marié et père d'une fille, Santina, 1 an, née à Six-fours ; BETTI Gabriello, 41 ans, italien qui est recensé comme journalier et dont la situation familiale est inchangée depuis 1906.

A l'exception de D'ANGELO Hyacinthe, 43 ans, italien, les autres tuiliers recensés en 1906 ont quitté le quartier de la Coudoulière. Un nouvel habitant est recensé: il s'agit de ROUX Adolphe, ingénieur, 64 ans, de Roquevaire.
 
Recensement de 1921 (mise à jour du 24-02-2024)
 
A la Coudoulière, il y a 52 foyers totalisant 247 âmes, soit 92 habitants de plus qu'au recensement précédent.

Les nouveaux tuiliers sont BANCHIERO Angélini, de nationalité italienne, 45 ans, et ses deux fils Noël et Marius, âgés respectivement de 21 et 16 ans ; BERNE Lucien, 19 ans, né à Sanary ; AUDIBERT Augustin, 19 ans, de Six-fours ; GABRIELI Fortuné, 20 ans, et son frère Marius, 17 ans, tous deux de Six-fours, et MAS Joseph, 58 ans, de la Garde. D'ANGELO Hyacinthe, 53 ans, journalier, a perdu son statut de tuilier au profit de son fils Marcel, 20 ans, né à Marseille.

On remarquera que FREDIANI Léon, 35 ans, de nationalité italienne, recensé en 1911, exerce toujours son métier de tuilier à la Coudoulière. Certains tuiliers habitent dans d'autres quartiers tels que BOTALLO Pascal, 37 ans, italien, qui habite Agasse ; MARAZZO Vincent, 33 ans, qui habite à Aussel ; BONIFACINO Léon, 25 ans, né à Marseille, qui vit à Curet, et MICOULIN Henri, 19 ans, né à Six-fours et habitant à Sardine.

A noter que le directeur de l'usine, CROZET Joseph, 42 ans, né à la Ciotat, habitait ce que sera plus tard la Maison du Cygne.

Mais au quartier de la Coudoulière, il n'y avait pas que des tuiliers. On y a recensé également 1 ingénieur civil, 31 journaliers, 10 domestiques, 1 ajusteur mécanicien, 1 camionneur, 1 ouvrier de l'arsenal, 1 chauffeur, 1 maréchal-ferrant, 2 électriciens, 5 terrassiers, 1 maçon, 1 céramiste, 1 restaurateur, 1 boulanger, 4 agriculteurs, 15 cultivateurs, 2 jardiniers, 1 métayer et 1 berger.
 
En cette année de 1921, Six-fours comptait 884 maisons et sa population était de 3275 habitants dont 2615 français et 660 étrangers.
 

Suivons le parcours de D'ANGELO Hyacinthe, né en 1868 à Lucca, en Toscane. Le recensement de 1906 nous apprend que Hyacinthe et son épouse USSEGLIO-LAVERNA Maria Delfina, née en 1880, habitaient à la Coudoulière avec leur enfant Marcel, né à Marseille en 1901. Jusqu'en 1926, date du recensement, la famille s'est agrandie avec la naissance à Six-fours de Marie Louise Léonie le 17/02/ 1916, de Yolande Marie le 5/02/1919 et d' Emilienne Honorine le 10/12/1922. Par contre, lors du recensement de 1931, la famille n'est plus répertoriée à la Coudoulière. Elle vit désormais au quartier de Nans. Hyacinthe est toujours journalier et son fils Marcel aide comptable, tous deux chez R.B. (Romain Boyer ?). Ainsi va la vie...

Plan de la Coudoulière présentant l'usine Romain BOYER, les logements et les gisements d'argile
 
Toujours est-il qu'en 1914, juste avant la guerre, c'étaient 80 personnes (travailleurs italiens et leur famille) qui furent logés dans la cité ouvrière attenante à l'usine, laquelle comptait 220 ouvriers, dont 210 d'origine italienne.

La neutralité de l'Italie dans le premier conflit mondial, puis son engagement dans la Triple Entente (France, Russie, Royaume-Uni) fit que plusieurs travailleurs italiens des tuileries partirent combattre les allemands, les austro-hongrois et les bulgares, sans compter ceux qui avaient été naturalisés français et qui combattirent pour la France. Certains revinrent, d'autres non.

Photos des ouvriers des Tuileries Romain BOYER 

Mme Claudie CHAMBAT, webmestre du site Six-fournais.com, m'ayant fait part de son intention de fermer son site Internet, j'ai - avec son autorisation - téléchargé sur mon ordinateur quelques photographies anciennes des tuileries Romain BOYER et des ouvriers qui y travaillaient. Ce sont ces photographies que je vous livre en espérant que vous pourrez mettre un nom sur le visage des ouvriers et de leur famille et de les tirer de leur anonymat.

Ouvrier manœuvrant un tracteur
Entrée des wagonnets dans l'usine
Jean JARDET, du quartier de Chrestian, au tour de potier
La famille D'ANGELO
De gauche à droite : GRAMI, DI PIAZZA, Albert JARDET, Paul HOLLAND et François JARDET
Fernand DURBIANO, Augusto GILLO, Tullio CARLI, Paul ARMAND, M. TIRATI, Paul HOLLAND et M. FIORI
Au fond : Noëlie GASTALDI et Rosette DALMAS
Debout : Alice GARON, inconnue, Niaie d'ANGELO, Victorine LORENZI, Geneviève PIAT, Claire RIVOIRA, Claire LORENZI et Jeannette VERDASTRI ; Accroupis : Toine T... et inconnu
Ouvriers et leur famille
Ouvriers et leur famille
Les enfants des ouvriers des Tuileries Romain BOYER
Ouvriers et leur famille
Ouvriers en train de casser la croûte
Ouvriers et leur famille devant l'usine

Voir aussi sur ce blog :

- les images colorisées des Tuileries Romain Boyer à la Coudoulière
- l'argile de la Coudoulière, trois siècles d'histoire
- la Maison du Cygne, ancienne demeure du directeur de l'usine

7 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Bonjour sur certaines de vos photos il y a certaines personnes de ma famille. Des anciens que je n’ai pas connus.pourriez vous me renseigner sur le comment vous avez eu leur nom svp merci d’avance.

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    1. Bonjour Béatrice. Comme je l'ai écrit dans cet article, toutes les photos numérisées m'ont été transmises par Mme Chambat avant qu'elle ne ferme son site Internet. Certaines de ces photos portaient des indications tels que noms de famille, que j'ai bien sûr reportées dans l'article. Par contre peu d'identification des anciens tuiliers par leurs descendants. Dommage...

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  3. Bonjour et merci pour votre réponse
    Juste pour infos
    Sur la photo famille d’angelo et non Di Angelo vous pouvez y retrouver ma grand mère Yolande d’angelo sa sœur émilienne et son frère sauveur.merci et bonne continuation.

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    1. Rectifications du nom apportées avec en prime le parcours de votre arrière grand-père, parti de Toscane, arrivé à Six-fours après un détour à Marseille. Son emploi comme tuilier à la Coudoulière, quartier qu'il quitta pour habiter à celui de Nans.

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  4. Si je pouvais échanger avec vous ou pouvoir contacter madame chambat pour échanger avec elle plusieurs sur ses photos où se trouvent des personnes de ma famille et m’éclaircir sur certaines choses n’hésitez pas à me le faire savoir.cordialement.Béatrice

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    1. Bonjour Béatrice. Le recensement de Six-fours de 1921 étant consultable aux archives départementales du Var, j'ai mis à jour le présent article. Concernant les photos de Six-fours d'antan, je sais que Mme Chambat, en collaboration avec M. Thomas , avaient édité en 2010 un bouquin qu'on peut trouver dans certaines librairies. Voir l'article sur ouest-var.net (https://www.ouest-var.net/actualite/six-fours-les-plages-memoire-en-images-1529.html) où il est fait état de 230 photos.

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